Page 23 - Marsanne Résidence comtale
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1136 et 1214 –, quatre documents apportent un coup de projecteur inattendu sur quelques
personnages qui vivaient dans la Valdaine, en l’année 1138.
Il y est question de la donation d’une famille de l’élite locale, donation qui nécessita
l’accord de différentes personnalités, en particulier celui d’un comte dénommé Eustache.
Ce fut donc « pour la rédemption de leur âme », que Ripert de Charols, son épouse Lucia
et leurs enfants (Jean, Guillaume, Raymond, Pierre, Eustache, Ripert et Pons) cédèrent aux
chevaliers du Temple la dîme de tout le revenu de leurs moulins.
Le couple offrit, en outre, deux de ses sept fils pour servir les « soldats du Christ », avec
en prime, une vigne à Châteauneuf (-de-Mazenc), tenue de Dalmadius Odanus, et la dîme
annuelle de tous les agneaux nés de leurs brebis. Pour que les templiers puissent accepter ces
dons en toute tranquillité, l’accord de la famille d’Allan fut requise.
On mesure ici la complexité des liens dits féodaux-vassaliques : un propriétaire terrien
comme Ripert de Charols devait rendre des comptes à beaucoup d’autres personnes, pour
des raisons avant tout financières. C’est ainsi que la famille qui prend le nom d’Allan, sur
laquelle les renseignements manquent, transféra aux moines-soldats tout ce qu’elle pouvait
réclamer sur la personne de Ripert de Charols et des siens, ainsi que sur leurs biens, impôts
ou services de n’importe quelle sorte.
Un dernier texte montre le transfert par le prévôt de l’église de Valence, Guillaume, de
tous les droits (là encore de propriété et de perception de taxes) qu’il exerçait sur Ripert de
Charols et ses enfants. Son frère, le comte Eustache, apporta explicitement sa confirmation à
la transaction. Parmi les cinq témoins nommés, deux sont inconnus, Jarenton de Saint-Romain
et Latro Longus, deux autres portent des noms de localités du Valentinois, Guillaume d’Étoile
et Ainard de Chabrillan. Le plus prestigieux est un prélat extérieur à la région, l’évêque du
Puy, Humbert, qui était l’un des fils du Dauphin de Viennois et de qui c’est la seule apparition
auprès des templiers.
L’éditeur du cartulaire, le marquis François de Ripert-Montclar, (1844-1921), était
un savant érudit qui a accompagné l’édition du manuscrit original publié en 1906 d’une
substantielle introduction qui fait toujours autorité. Malheureusement, il a tiré de ces textes
des hypothèses qu’il convient de réviser complètement. Ripert de Charols et son épouse
Lucia ne sont pas des dépendants du plus bas de l’échelle sociale. Ils possédaient un
patrimoine conséquent, avec troupeaux, moulins à farine et à foulon, vignes. Ils pouvaient
donc en prélever une part notable et prévoir de confier deux de leurs enfants aux templiers.
Les liens de dépendance qui les unissaient, d’une part à la famille d’Allan, et d’autre part
au prévôt de Valence, Guillaume, semblent de même nature, plus fiscale que personnelle.
C’est donc un ensemble de droits matériels qui furent abandonnés par les deux lignages au
profit des templiers, seuls désormais habilités à les percevoir.
On sait peu de choses de cette famille d’Allan, représentée ici par Hugues, son
épouse Pétronille et leurs trois fils, Pierre Ripert, Guillaume et Raymond. À partir d’autres
mentions de cette famille, assez prolifique, dans le cartulaire, le marquis lui a construit une
descendance prestigieuse en recourant à des rapprochements généalogiques hasardeux. Je
ne m’y attarderai pas.
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