Page 26 - Marsanne Résidence comtale
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MARSANNE VILLE COMTALE MÉDIÉVALE




                  Une fondation comtale de religieuses cisterciennes

                  à Bonlieu


                        Un autre établissement religieux, celui de l’abbaye cistercienne féminine de Bonlieu, fut
                  aussi installé sur les limites du territoire de Marsanne par la même famille comtale. Les seuls
                  renseignements documentant sa fondation se trouvent dans des textes bien postérieurs à la
                  disparition du monastère de moniales, qui entraîna le rattachement de ses biens à l’abbaye
                  masculine de Valcroissant, près de Die, en 1400.
                        En 1424, le chapitre général de Cîteaux constatait que les bâtiments de Bonlieu, alors
                  rétrogradés au rang de simple grange, étaient en ruines. La reprise en mains du domaine a
                  donné lieu à un procès entre l’abbé de Valcroissant et les habitants de Bonlieu en 1436. C’est
                  probablement à ce moment-là qu’on produisit une copie des plus anciennes chartes, copie
                  quelque peu malmenée à l’occasion des procédures.

                        Cette pièce, écrite en latin sur parchemin, contient plusieurs actes, une charte de
                  fondation datée de 1171 et sa confirmation de 1173, toutes deux attribuées à Guillaume de
                  Poitiers et à son frère Eustache, ainsi qu’une confirmation d’Adhémar de Poitiers, le fils de
                  Guillaume, à l’abbesse Adhémare, datée de 1239.

                        Certains passages de la charte de fondation ont été falsifiés de façon évidente, par
                  exemple la mention  curieuse  des  ramières,  objet  du  litige,  ou  encore  celle de  moulins à
                  construire. De même, le prénom de la mère du comte, Véronique, est anachronique, seule
                  la forme Bérénice étant employée à cette époque. Toutefois, la date de 1171 est plausible,
                  puisqu’elle suit de seulement quelques années la plus ancienne confirmation de l’installation
                  des hospitaliers à Cléon-d’Andran par les mêmes personnes, en 1164.
                        En 1173, l’évêque de Valence Odon a donc pu consacrer le cimetière du lieu, situé dans
                  son diocèse, et confirmer la donation à la demande des frères Guillaume et Eustache, selon
                  l’énoncé du texte. La présence à cette cérémonie de l’abbé d’Aiguebelle, Albertus, en qui il
                  faut voir probablement Albéric, son abbé connu entre 1165 et 1191, est conforme à l’usage
                  cistercien.

                        Bonlieu, abbaye féminine, dite «  fille d’Aiguebelle  » dans une décision du chapitre
                  Général de l’année 1291, était assurément soumise au supérieur de cet établissement masculin
                  tout proche, fondé, en 1136, par Gontard Loup, seigneur de Rochefort-en-Valdaine. Les noms
                  des témoins de la charte de 1171 rappellent ceux de textes de la même époque, ainsi que
                  ceux de la charte de 1173. Parmi ces derniers, figurent des noms des religieux des environs, tel
                  l’abbé de Saoû ou encore un P. de Saliceto, qui pourrait bien être le prieur de Saint-Marcel du
                  même nom, témoin d’une charte de donation à Richerenches vers 1160.

                        Plus étonnante est la mention d’un Guillaume Hugues de Montilio et de son fils Hugues
                  Adhémar. À cette date, seul, en effet, est connu Giraud Adhémar pour avoir reçu un diplôme
                  impérial en 1164. Géraud  était le frère cadet de Guillaume Hugues  Montellis Adhemarii,
                  bienfaiteur des templiers de Richerenches, qui était déjà défunt en 1157 et qu’il faut donc
                  bien distinguer du personnage nommé Guillaume Hugues de Montilio dans cette charte de
                  1171.



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