Page 30 - Marsanne Résidence comtale
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MARSANNE VILLE COMTALE MÉDIÉVALE




                  AU XII  SIÈCLE,
                            E
                  MARSANNE RÉSIDENCE COMTALE



                        La plus ancienne mention d’une résidence comtale à Marsanne figure dans la charte
                  de fondation, en 1171, de l’abbaye féminine cistercienne de Bonlieu, analysée plus haut, qui
                  commence ainsi :

                        « Que soit connu aux présents et aux futurs : moi Guillaume de Poitiers, comte de
                  Valentinois et moi Eustache, prévôt de l’église de Valence, nous vous donnons à vous, notre
                  mère Véronique, le manse de Genevez pour qu’y soit construits une église et des bâtiments
                  d’habitation… »

                        L’ancienne abbatiale de Bonlieu, restaurée il y a un siècle et demi, est toujours
                  debout auprès du chef-lieu de la commune qui lui doit son nom, et dont le territoire fut
                  définitivement détaché de celui de Marsanne vers 1595. On a vu que lors de procès opposant
                  les habitants aux prieurs, vers 1450, furent trafiquées des copies d’actes plus anciens, afin
                  de garantir certains droits, portant en particulier sur les ramières du Roubion. Dans ces
                  documents, les seuls disponibles sur l’origine du monastère, certaines mentions étrangères à
                  l’objet du procès semblent véridiques.

                        Ainsi, seraient authentiques les noms des fondateurs, Guillaume, comte de Valentinois,
                  et son frère Eustache, dignitaire important de l’église de Valence, qui intervenaient
                  conjointement à cette époque dans la Valdaine. La colline du Puy Guillaumin, dont le
                  sommet porte les vestiges très arasés d’une fortification de terre au-dessus du Roubion, en
                  rive gauche, pourrait conserver le souvenir du nom du comte Guillaume.

                        Il est dit aussi que l’acte fut dressé dans la aula de Marsanne, l’an de l’incarnation
                  1171, au mois de mars. Une aula est une salle d’apparat où l’on se réunit pour les actes de la
                  vie collective. On la trouve dans tous les châteaux médiévaux, par exemple au château des
                  Adhémar à Montélimar, ou à celui de Sauzet. Or, le château ruiné de Marsanne conserve,
                  au-dessus de la chapelle Saint-Félix, les murailles d’une de ces grandes salles, une  aula
                  susceptible d’avoir accueilli la trentaine de témoins nommés dans l’acte.

                        Parmi ces témoins, figurait  Petrus de Verona, capellanus de Marsana –  c’est-à-dire
                  Pierre de Véronne, chapelain de Marsanne, nous dirions le curé – qui desservait sans nul
                  doute Saint-Félix de Marsanne, la chapelle du château, déjà construite si l’on en juge par son
                  style architectural. Cependant, le bâtiment que nous connaissons devait présenter un aspect
                  bien différent, puisque le clocher a été élevé environ trois siècles plus tard.

                        Ce chapelain portait le nom de Véronne dans la vallée de la Drôme, tout comme, peu
                  auparavant, en 1163, G. de Veronna, l’un des garants de l’hommage de Guillaume de Poitiers à
                  l’évêque de Die. Ce patronyme a probablement servi à forger celui de Véronique, prénom de
                  la mère du comte dans le texte falsifié. Nous avons vu que ce prénom est anachronique par
                  rapport au texte et il est probable que l’acte original mentionnait seulement une donation à
                  Notre Dame, comme c’est souvent le cas.






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