Page 4 - Marsanne Résidence comtale
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MARSANNE VILLE COMTALE MÉDIÉVALE




                  À L’ORIGINE DE MARSANNE,

                  UNE VILLA ROMAINE MARCIANANA ?



                        Au début du XIX  siècle, le nom de Marsanne a donné lieu à quelques étymologies
                                       e
                  fantaisistes,  les  règles  de  la  linguistique  étant  encore  mal  connues.  Plus  raisonnablement,
                  l’origine du toponyme est à chercher dans un nom de domaine, lui-même formé à partir du
                  nom de son propriétaire, un anthroponyme. Ainsi, le Baron de Coston, dans ses Étymologies
                  des noms de lieu du département de la Drôme parues en 1872, pensait « au nom d’homme
                  Marcianus ».

                        L’historien montilien avait en effet retrouvé, dans les chartes du cartulaire de Saint-
                  Victor de Marseille, deux mentions de villa Marciana, localités homonymes méridionales
                  antérieures à l’An Mil. Il en concluait logiquement que « telle a dû être la première forme
                  du mot Marsanne, où les Romains avaient des établissements, car on trouve souvent des
                  antiquités dans la plaine qui est au levant de ce bourg. »

                        Son contemporain, l’archiviste André Lacroix, le réfutait avec beaucoup de naïveté dans
                  sa notice sur Marsanne, insérée dans le cinquième tome de son ouvrage L’arrondissement
                  de Montélimar, publié à Valence en 1877  :  «  comment supposer que  Marsan ancien fief
                  de Montesquiou, Marsan, pour Marsna et Mersena, près d’Aix-la-Chapelle et autres noms
                  analogues aient pu dériver de Marcianus à des distances si considérables ? »
                        C’était  oublier que les personnes susceptibles de posséder des  terres dans les
                  provinces de l’Empire Romain portaient le plus souvent des noms latins, ou, tout au moins,
                  latinisés. On les retrouve inscrits sur la pierre, telles les stèles funéraires ou votives qui ont
                  survécu à l’épreuve du temps.
                        De nos jours, Benédicte Boyrie-Fenié et Jean-Jacques Fénié, les auteurs d’une
                  Toponymie des pays occitans parue en 2007 aux éditions Sud-Ouest, placent Marsanne
                  parmi les noms de domaine construits à partir d’un nom de personne (p. 152, § 443). Ainsi,
                  en fonction du suffixe, les noms de lieu peuvent différer légèrement, mais ils sont plutôt
                  féminins quand il s’agit d’une villa, nom commun latin le plus répandu pour désigner une
                  propriété rurale.

                        Avec le suffixe le plus simple -a, son possesseur le plus notable aurait pu s’appeler
                  Marcianus ou Martianus. Le suffixe -ana était plus courant, ce qui renverrait à un dénommé
                  Marcius ou Martius, voire au nom d’une dame, Marcia. En effet, le phonème ci ou ti, qui se
                  prononçait tz, a évolué en dz, enfin en s.

                        Reste à expliquer le double n, déjà présent dans la plus ancienne attestation du nom
                  de Marsanne, porté par le frère du premier comte de Valentinois, Heustachius de Marzanna .
                                                                                                   1
                  1 - Ce dernier, chanoine du chapitre cathédral de Saint-Apollinaire de Valence en 1158, accéda à un rang ecclésiastique
                  très important, dès 1171, cumulant la charge de prévôt du même chapitre cathédral et de celui de Saint-Pierre
                  du Bourg-lès-Valence, jusqu’à son décès en 1217, plus que septuagénaire. Pour en savoir plus sur les chanoines
                  valentinois se reporter à la volumineuse thèse de doctorat de Yannick Veyrenche, soutenue le 18 mars 2013 à
                                                       me
                  l’Université Lumière-Lyon 2 sous la direction de M  Nicole Bériou, Chanoines réguliers et sociétés méridionales.
                                                                      e
                  L’abbaye de Saint-Ruf et ses prieurés dans le sud-est de la France (XI -XIV  siècle), Brepols Publisher, Turnhout, 2018,
                                                                   e
                  1060 pages).
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