Page 39 - Marsanne Résidence comtale
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LA COMTESSE DE MARSANNE LÉGENDE
« FONDATRICE » DE LA FIN DU MOYEN ÂGE OU
PERSONNAGE HISTORIQUE DU XII SIÈCLE ?
E
Nous venons de voir que la seigneurie de Marsanne était une propriété personnelle
de la famille comtale, faisant partie du comté de Valentinois où d’autres localités pouvaient
être des fiefs dépendant du comte à des degrés divers. Ce comté fut rattaché au Dauphiné,
et par conséquent au royaume de France, à la fin du Moyen Âge. Or, à cette époque de
transition, certains textes relatent une légende évoquant une mystérieuse comtesse de
Marsanne. D’après ces mentions, certains historiens locaux ont affirmé que Marsanne avait
été la capitale du comté. D’autres historiens ont refusé de les croire. Il est intéressant de
s’interroger sur la réalité médiévale.
Une description des comtés de Valentinois et de Diois, rédigée en latin après le décès
du dernier comte, Louis de Poitiers, en 1419, affirme expressément que Marsanne est propriété
comtale. Cette description dit à peu près ceci : l’agglomération fortifiée de Marsanne, avec
château et ville close, qui appartient au domaine du comte, est située dans la vallée de la
Valdaine, dans un pays fertile, à une lieue de Puy-Saint-Martin, en limite de Grâne, au nord,
d’Autichamp, de Roynac et de Puy-Saint-Martin, à l’est, et de Sauzet et La Laupie, au sud.
À cette époque, Bonlieu, village créé autour d’une abbaye cistercienne de femmes du
douzième siècle, faisait encore partie du territoire de Marsanne, ce qui explique son absence
dans ce texte, alors que Cléon-d’Andran, même omis dans la liste des voisins marsannais, est
décrit plus loin. Sauzet et Grâne appartenaient aussi au domaine propre du comte, avec leurs
châteaux qui lui servaient de lieux de résidence, mais d’autres châteaux domaniaux, comme
Savasse, étaient ruinés par fait de guerre. Ce texte permet seulement deux certitudes :
Marsanne avait peu souffert des conflits les plus graves et les derniers comtes avaient résidé
ailleurs.
L’origine des comtés de Valentinois et de Diois perdue dans la
nuit des temps ?
Après 1419, les complications juridiques consécutives aux clauses du testament de
Louis de Poitiers amenèrent à un conflit armé, mais, parallèlement, les différentes parties
procédèrent à diverses négociations. Dans ce cadre, furent réalisées des enquêtes destinées
à évaluer l’étendue des domaines en jeu, comme le montre bien la description des comtés
de Valentinois et de Diois évoquée ci-dessus.
Ces travaux reflètent les difficultés qu’on éprouvait déjà à cette époque pour retrouver
l’origine de l’indépendance première des comtes, née dans une grande Provence médiévale
s’étendant de l’Isère à la Méditerranée, tout à fait extérieure au royaume de France. En effet,
ces territoires, situés à l’est du Rhône, partageaient l’histoire de l’Empire germanique, mal
connue des lettrés de ce côté-ci des Alpes, dont le savoir était déjà imprégné de culture
française.
C’est ainsi que les historiens des siècles suivants, ceux de l’époque dite Moderne, ont
retrouvé, dans ces écrits, différentes formes d’une tradition orale attribuant l’origine de la
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