Page 42 - Marsanne Résidence comtale
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MARSANNE VILLE COMTALE MÉDIÉVALE




                        Cette déposition détaille les raisons du mariage entre la fille de la comtesse de
                  Marsanne et le chevalier étranger : sa défense dans la guerre provoquée par les évêques de
                  Die et de Valence. Montélimar serait la ville où passa ce chevalier étranger « surnommé de
                  Poitiers ». Par la suite, son fils Guillaume de Poitiers, né d’un mariage bien mérité, aurait été un
                  allié et même un parent du comte de Toulouse.

                        L’imprécision de ces affirmations entache quelque peu leur véracité, mais il est assuré
                  que le comte de Valentinois avait embrassé le parti de Raymond de Toulouse lors de
                  la croisade contre les Albigeois, au début du treizième siècle, et que les conflits entre les
                  comtes, qui tenaient en fief une part de Montélimar, et les évêques de Valence et de Die ont
                  duré plusieurs décennies.

                        Ces textes ont probablement été connus d’Aymar du Rivail, le plus ancien historien
                  dauphinois, dont le manuscrit latin, rédigé vers 1535, a été publié seulement en 1844, puis
                  traduit en 1852. En effet, il écrivait à peu près ceci, à propos de Crest, dans la vallée de la
                  Drôme : Crest, bâtie au midi et au pied d’un monticule élevé, par la famille des Arnaud, riche,
                  nombreuse et puissante, prit son nom de ce haut monticule pentu, incliné de toutes parts, et
                  reçoit souvent le surnom d’Arnaud. Cette famille, tellement elle était puissante, bâtit encore
                  Chastel-Arnaud, près de Die, et la Baume [= La Roche] des Arnauds, dans le territoire de Gap.
                  Le territoire de Die, comme celui de Valence, avait été érigé en comtés. À leur tête, se trouvait
                  une orpheline que les Arnauds voulaient marier à l’un d’entre eux. Mais l’un des fils du comte
                  de Poitiers, qui parcourait alors ce pays, défendit la comtesse, chassa les Arnaud, et, par son
                  mariage avec cette noble femme, obtint les comtés de Die et de Valentinois.
                        Aymar du Rivail se faisait déjà ici l’écho de la volonté de rattacher la lignée des comtes
                  de Valentinois à celle du célèbre troubadour et duc d’Aquitaine, Guillaume de Poitiers. Cette
                  volonté émanait probablement de la famille des seigneurs de Saint-Vallier, branche collatérale
                  des derniers comtes de Valentinois et de Diois, dont Jean de Poitiers, personnage influent en
                  Dauphiné, était le contemporain d’Aymar du Rivail et dont la fille, Diane de Poitiers, fut la
                  dernière représentante.

                        Au contraire, Duchesne, en reproduisant les fragments d’enquête transcrits ci-dessus,
                  a cherché à se démarquer de cette tradition. Son excès de prudence l’a conduit à débuter
                  son histoire généalogique avec Aymar de Poitiers, à qui le comte de Toulouse donna ses
                  droits sur le comté de Diois en 1189, car, dit-il, le temps a scellé et couvert jusques à présent la
                  mémoire de ceux qui ont précédé le règne de Philippe Auguste.

                        À sa suite, de nombreux historiens se sont penchés sur l’origine des comtes de
                  Valentinois et de Diois : par exemple, une génération après lui, Nicolas Chorier qui écrivit une
                  monumentale histoire du Dauphiné, publiée en 1661, et, plus proches de nous, le chanoine
                  Jules Chevalier et l’archiviste drômois André Lacroix, actifs à la fin du XIX  siècle.
                                                                                  e
                        Or, depuis les travaux de ces historiens, il est bien établi que Aymar de Poitiers était
                  le fils d’un homonyme du duc d’Aquitaine, Guillaume de Poitiers, comte de Valentinois dès
                  1163. Ce dernier était le frère du prévôt de l’église de Valence, dénommé dans certains textes,
                  Eustache de Marsanne. L’identité de leur père reste inconnue alors que sont nommés leurs
                  oncles, Guillaume, évêque de Viviers, et Eustache, évêque et comte de Valence, et, plus
                  surprenant pour nous, leur mère.





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