Page 110 - Tous les bulletins de l'association des" Amis du Vieux Marsanne"
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Tout  semblait  aller  pour  le  mieux.  La  noblesse  héréditaire  avait  été  abolie  (19  juin
               1790), la dîme supprimée, le commerce des grains libéré (29 août 1789), les poids et mesures
               uniformisés (mai 1790), la liberté de pensée religieuse et de la presse accordée (23 et 24 août
               1789), la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen publiée (26 août 1789). Toutes ces
               décisions faisaient de Marsanne, comme de bien d'autres communes d'ailleurs, un pays calme
               plutôt satisfait, mais les choses, hélas, n'allaient pas aussi bien partout.
                      Dès 1790, l'insurrection éclate en Avignon et à Nîmes. En 1791, les émeutes grondent
               à Paris, à Beauvais, à Dunkerque. La constitution civile du clergé déchaîne les passions.
                      Courant  1792,  on  déclare  la  guerre  à  l'Autriche  (20  avril),  on  déporte  les  prêtres
               réfractaires, on fabrique des guillotines, on émet des milliards d'assignats sans valeur, la patrie
               est déclarée en danger, le roi est suspendu.

                      En janvier 1793, on exécute le roi, puis on crée le Tribunal révolutionnaire à Paris, les
               comités de surveillance en province. L'insurrection sanglante gronde à Lyon, en Vendée, en
               Bretagne.  A la tête de la Convention, Robespierre déclare la levée  en masse pour tous les
               hommes de 18 à 25 ans, célibataires ou veufs sans enfants. Les nôtres n'y échappèrent pas.
               C'est  la  Terreur,  l'extermination  des  Vendéens  (23  décembre  1793),  et  toujours  la  guerre.
               L'année 1794 apporte la mort de Danton et le règne fou de Robespierre et Saint-Just. Durant
               47 jours à dater du 11 juin (23 prairial), le tribunal révolutionnaire de Paris prononce 1 376
               condamnations à mort. Le sang des guillotines coule à flot. C'est la Grande Terreur qui ne
               finira qu'avec la mort de Robespierre et se Saint-Just, arrêtés le 9 Thermidor An II, et exécutés
               le lendemain 10 Thermidor (28 juillet 1794).

                      Que faisait-on à Marsanne pendant cette tourmente ? Prudemment, on obéissait aux
               ordres  venus  d'en-haut.  Parfois  de  manière  assez  amusante,  comme  cette  arrestation  d'un
               potier ambulant (voir article plus loin), ou ces modifications du langage liées au fait que les
               mots "saint" et "château" étaient à bannir. On parlait alors du ci-devant Félix, du ci-devant
               Martin,  Châteauneuf-de-Mazenc  était  devenu  Neuf-de-Mazenc,  et  Saint-Gervais,  Mont-
               Roubion.

                      Bien moins amusante aurait pu être la société Populaire qui, du 2 décembre 1793 au 21
               septembre 1794, exerça ses pouvoirs sur notre commune. Ces sociétés étaient des filiales des
               grands  clubs  parisiens,  notamment  celui  des  Jacobins.  Elles  furent  le  support  local  de  la
               politique  montagnarde  et  terroriste  mise  en  place  à  Paris.  C'est-à-dire  le  support  de  la
               politique  des  députés  extrémistes  de  gauche,  siégeant  sur  les  plus  hauts  gradins  de
               l'Assemblée, et appelés pour cela "Montagnards".
                      Beaucoup  de  ces  sociétés  Populaires  s'arrogèrent  un  pouvoir  de  police  semblable  à
               celui des comités de surveillance créés par les municipalités. C'est à elles que s'adressaient les
               représentants en mission pour la dénonciation des suspects, la surveillance et l'épuration des
               administrations.
                      Celle de Marsanne s'installa le 2 nivôse An II (22 décembre 1793) dans la chapelle de
               N-D de Fresnaud désignée comme le siège de ses activités. Elle se définit elle-même comme
               "devant surveiller les ennemis de la révolution, dévoiler leurs complots et soutenir les droits
               du peuple." (Cahiers des procès-verbaux de la société populaire). Elle déclara suspects tous
               ceux  qui  troubleraient  ses  activités  et  affirma  ceci  :  "Pour  arriver  à  l'anéantissement  des
               despotes, il ne reste plus que la voie de la dénonciation, de la punition et (...) qu'en ce moment
               de la révolution il n'y a pas de demi-mesures à prendre, mais une seule entière et vigoureuse
               qui  imprime  une  juste  terreur  aux  ennemis."  (Cahiers  des  procès-verbaux  de  la  société
               populaire)
                      Il  y  avait  bien  là  matière  à  inquiéter  la  population.  Très  rapidement  les  choses  se
               mirent  en  place.  Les  responsables  furent  nommés,  dont  Sestier,  Meilhon,  Borel-Delor,
               Montlovier  (encore  les  mêmes).  Les  réunions  se  succédèrent  tous  les  huit  ou  dix  jours,
               rituellement, car chaque séance était ouverte par la lecture d'articles des Droits de l'Homme et
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