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LE CLOCHER


          Contrairement  à  la  face  nord-ouest  de  l'église  qu'elle  jouxte,  cette  tour  carrée  se  signale  par  la
          diversité de ses styles et le désordre de ses pierres.
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          Hormis pour les étages supérieurs des 15  et 16  siècles, les avis divergent quant à la datation de
          l'ensemble. Fut-il à l'origine, et conformément aux réalisations régionales de nombreux architectes
          romans, un clocher contigu à la façade et servant de défense ? On peut le concevoir ainsi et penser
          que ce fut d'abord une tour défensive avec, à sa partie la plus basse, une salle forte. Pour être la plus
          sûre, cette salle était en partie enterrée. On ne pouvait y accéder que de l'intérieur par une trappe
          aménagée dans le sol du premier étage. Comme elle faisait partie intégrante de la base inébranlable
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          de l'édifice, on peut comprendre qu'à la fin du  15  siècle, sans aucun risque pour la stabilité de
          l'ouvrage, on ait pu l'aménager en chapelle gothique par simple ouverture sur la nef.
          Dans sa partie visible, la tour initiale s'élève aujourd'hui sur le mur nord du premier niveau avec,
          aux angles, d'énormes pierres assemblées en besace, et sur les parois, un appareil primitif assez
          régulier  que  sont  venues  bouleverser  des  pierres  et  des  techniques  disparates  au  cours
          d'innombrables réparations.
          Le deuxième niveau s'orne de belles ouvertures géminées. Celle du levant a laissé sa place à une
          imposante  baie  en  arc  brisé,  tandis  que  celle  du  midi  est  en  partie  éventrée  par  une  maladroite
          ouverture de remplacement plus large. Les fenêtres du premier étage, petites et rectangulaires, sont
          plus modestes, mais aussi plus sûres ; celle de l'est montre qu'à cette époque l'église n'a plus de
          voûtes. Ces réfections postérieures aux fenêtres géminées sont probablement contemporaines de la
          création de la chapelle gothique dans la partie inférieure du clocher. Elles permettaient de surveiller
          un très vaste horizon. L'unique porte s'ouvrait au nord, protégée par la colline. On peut toujours la
          franchir pour accéder au premier étage.
          A  différents  niveaux,  des  bandes  ceinturent  la  tour.  Elles  résultent  du  débordement  régulier  de
          larges dalles prises dans l'épaisseur des murs, afin de renforcer l'ensemble tout en consolidant les
          assises portant les ouvertures.
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          Solide et majestueuse, cette tour première dût faire face à de rudes assauts. C'est au début du 15
          siècle, avec les guerres de Raymond de Turenne, que les attaques furent les plus meurtrières. En
          1445, Marsanne et ses fortifications étaient "dans un tel état de ruines et de dépérissement" (22)
          qu'ils n'offraient plus qu'un triste spectacle. (23)
          Après enquête, le Parlement de Grenoble ordonna de grandes et coûteuses réparations et , durant un
          siècle, Saint-Félix connut la paix. Alors, non seulement on répara les brèches, on construisit les
          parties gothiques, mais on bâtit un troisième étage au sommet de la tour.
          Sur les vieux murs raccommodés s'installa une construction d'assez gros appareil, ouvre aux quatre
          faces  par  d'élégantes  fenêtres  géminées,  ornées  de  fines  colonnettes.  Par  leur  style,  ces  fenêtres
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          nous  permettent  de  dater  l'ouvrage  du  16   siècle,  tout  comme  cette  salamandre,  emblème  de
                    er
          François 1 , sculptée sur une pierre  jadis fixée au-dessus de l'ouverture ouest, tout près d'une autre
          pierre portant les véritables armes de Marsanne, c'est-à-dire la simple "double croix" telle qu'elle
          est décrite le 3 août 1605 dans les archives communales (FF 9) : "une double croix que le vulgaire
          appelle "Eychagnie"  (expression en patois signifiant "c'est le signe" de la communauté).
          Les  trois  étages  furent  enfin  coiffés  d'une  pyramide  de  pierre  à  base  octogonale  dont  les  traces
          demeurèrent visibles jusqu'aux années 1960. Ainsi la vieille tour était devenue le clocher des jours
          heureux, mais hélas la paix ne dura guère.
          Dès 1569, s'annoncèrent les guerres de religion. Elles accumulèrent tant de ruines sur l'église et le
          clocher que Saint-Félix, malgré quelques soubresauts, ne se releva jamais totalement.
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