Page 202 - Tous les bulletins de l'association des" Amis du Vieux Marsanne"
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A la rencontre de l'Histoire et de la Légende
Marsanne est riche d'un long passé où l'histoire et la légende se mêlent, souvent harmonieusement,
parfois en totale contradiction, car l'histoire a ses certitudes et la légende ses interprétations.
Nous pourrons le constater en évoquant le cas de la "Pierre Sanglante", de l'affaire du "Picqueru", ou de
celle des Porcelets.
1. LA PIERRE SANGLANTE
C'est ainsi que l'on nomme, depuis des siècles, une énorme pierre couchée qui marque le point de
rencontre actuel des communes de Marsanne, Roynac, Roche-sur-Grâne et Grâne. Elle figure aux côtes
e
803 x 268 du secteur N° 7 - 8 de Crest, sur la carte de France au 1/25 000 de l'I.G.N.
C'est un monolithe tabulaire d'environ 190 cm x 95 cm qui émerge du sol sur une épaisseur de 25 cm en
moyenne. Sa surface, modelée par le temps, présente certaines veinures rougeoyantes sous la pluie, et
des alvéoles dont la forme et la répartition favorisent l'imagination.
Son histoire authentique nous est connue depuis le Moyen-âge, mais, au-delà, le mystère de ses origines
ou de son hypothétique appartenance à des rites païens demeure entier.
Nous ignorons si elle occupe là un emplacement géologique naturel, ou si elle y a été transportée par des
hommes, soucieux de pratiques rituelles, à des époques reculées.
Seule face à cette ignorance, LA LEGENDE a fleuri et nous transmet ses fantasmes depuis des
générations. Elle dit, qu'en des temps très anciens, des sacrifices humains furent célébrés sur cette dalle,
laissant imaginer le martyre sanglant des victimes immolées.
Est-ce la vérité cristallisée, depuis des millénaires, au fond de la mémoire collective ? Est-ce, au
contraire, le fait de l'imaginaire qui, inspiré par l'aspect de la roche, assimile les veinures à des taches de
sang et les alvéoles aux marques creusées par les membres crispés des suppliciés ?
Espérons que des chercheurs - géologues, archéologues, ethnologues ou historiens - pourront un jour
nous éclairer sur cette mystique lointaine et compléter nos connaissances actuelles de l'histoire.
e
L'HISTOIRE, telle que nous la savons aujourd'hui, remonte au 13 siècle. Elle nous est révélée par des
documents d'archives dont le plus ancien est de 1286 (3).
A cette date, le nom de "Pierre Sanglante" apparaît déjà comme une appellation d'usage courant. Il
s'applique aussi bien à la pierre qu'à son lieu d'implantation pour désigner un même point de repère,
connu de tous à la ronde.
Ce premier document est la transcription d'un acte de délimitation entre Marsanne et Grâne qui, selon la
volonté de leur seigneur "Aimar de Poitiers", séparait les deux mandements par des bornes de pierre.
Il fut dressé près de la "Pierre Sanglante", par-devant Humbert d'Ourches, Guyonnet de Marsanne et
Artaud de Roussillon, par Raymond de Vernejean, juge d'Aimar de Poitiers, et Guillaume Bayle,
châtelain de Crest (3).
Son application fut respectée durant des siècles et nous savons qu'en 1605 (4), la vérification des limites
de Marsanne avec Grâne se fit encore par référence à cet acte de 1286.