Page 257 - Tous les bulletins de l'association des" Amis du Vieux Marsanne"
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Après la Révolution, les registres des délibérations du Conseil Municipal relatent nombre de
            réparations ou de réaménagements de la " Fontaine Publique". On remplace des conduites, on colmate
            les fuites, on traite de l'évacuation des eaux usées vers le torrent le "Frenaud", torrent divagant et plus
            tard canalisé en souterrain... Mais l'architecture du lieu n'est jamais évoquée. Ce n'est qu'en 1843, qu'il
            est  fait  nommément  état  de  la  "Fontaine  de  l'Obélisque"  (Arch.  mun.  Marsanne,  1D  -  1843)  qui
            figurera ensuite sur différents plans des années 1859.

                   Cette  "  FONTAINE  DE  L'OBELISQUE",  nous  la  voyons  encore  aujourd'hui,  telle  qu'à  son
            origine, exception faite d'un bassin annexe réservé au laveuses et remplacé, après 1906, par le lavoir
            actuel – ( voir A – Plan de 1859).

                   Un Obélisque à Marsanne! Pourquoi? s'interrogent la plupart des passants. Tout simplement
            par un de ces heureux hasards de l'histoire qui font, qu'à un moment donné, les évènements rencontrent
            les hommes qu'il leur faut pour réussir ensemble.

                   Au cours des années 1830, Julien Victor Veyrenc était maire de Marsanne. Homme cultivé,
            artiste peintre, se déplaçant souvent à Paris, il n'ignorait rien des grands évènements de la capitale.

                   Tandis que dans sa commune s'effectuaient de sérieux travaux de réfection et d'embellissement
            de la fontaine, la France vivait l'aventure épique de "l'Obélisque de Louqsor".

            Cet obélisque, érigé par Ramsès II (1301-1235 av. J-C), à l'entrée du Temple d'Amon à Louqsor, fut
            offert à la France de Charles X (roi de 1824 à 1830), par le vice-roi d'Egypte Mehmet Ali, au pouvoir
            de 1805 à 1848. Ramener jusqu'à Paris ce monolithe gigantesque nécessita une longue et bien difficile
            expédition.  On  y  travailla  des  années  durant.  Un  navire  à  sa  dimension,  appelé  "LOUQSOR",  fut
            construit  tout  exprès  pour  son  transport,  dans  les  chantiers  de  Toulon.  Remorqué  par  un  brick  de
            guerre  jusqu'à  Alexandrie,  il  remonta  le  Nil  et  arriva  devant  Louqsor,  le  15  août  1831.  Le
            problématique abattage de l'Obélisque à l'aide de savants appareils inventés, à cet effet, par l'ingénieur
            Lebas, s'effectua avec succès. Quelques semaines plus tard, le long monument solidement amarré sur
            son  embarcation  prit  la  direction  de  Paris,  via  Alexandrie,  Marseille,  Gibraltar,  l'Atlantique  et  la
            remontée de la Seine. Après une indispensable escale à Marseille, il entreprit son dernier trajet vers la
            capitale, sous la haute responsabilité d'un convoyeur de choix, l'ingénieur en chef, directeur des Ponts
            et chaussées, Charles Laurent Joseph de Montluisant, apparenté à Veyrenc et futur maire de Marsanne
            ( voir B et C = Portrait et bibliographie).

                   En 1836, l'Obélisque fut érigé, place de la Concorde, dans la joie et la fierté générales.
            C'était un évènement historique, une victoire des techniques de grande importance. Parce que l'un des
            siens y avait participé, Marsanne se sentit particulièrement concerné, honoré même et, en mémoire de
            ces glorieux moments, bâtit sa fontaine en forme d'Obélisque.

                   Quelques années plus tard, Charles Laurent Joseph de Montluisant devenu résident et maire de
            la commune (1848-1850 et 1851-1859) le coiffa d'une fine girouette et d'une savante horloge solaire
            dont l'ombre portée sur la pierre a, naturellement, perdu de sa précision astronomique, depuis un siècle
            et demie passé.

                   Si les corps célestes se déplacent, si les horloges solaires se dérèglent, l'eau, elle, a continué de
            couler,  sans  perdre  aucune  de  ses  précieuses  qualités,  indispensable  à  la  vie  du  bourg  ;  toujours
            fraîche, jamais tarie au cours des saisons, elle a fait de la Fontaine un des coins les plus animés de la
            vie quotidienne.

                   Du matin au soir, chacun venait  y  remplir ses seaux pour l'usage familial.  Les charretiers  y
            arrêtaient  leurs  attelages  pour  abreuver  leur  "bêtes"  et  souffler  un  moment.  Agenouillées  dans  leur
            caisses garnies souvent de paille, les laveuses aux doigts blanchis par la potasse, frottaient et rinçaient
            leur linge dans l'eau courante d'un bassin bâti au niveau du sol glacial l'hiver.
            A la belle saison, les voix, les rires, les hennissements se mêlaient au bruit des battoirs. On y apprenait
            les nouvelles, on y faisait des projets, on s'entraidait...
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