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LES CANONS DE FRESNEAU
Les visiteurs qui arrivent devant la chapelle de Fresneau sont souvent surpris de voir, de
chaque côté du porche, deux gros canons qui font plus penser à la guerre qu'à la paix qui
règne en ce lieu.
Et pourtant, ils devraient faire réfléchir ceux qui s'inquiètent de leur présence aux
responsabilités et à l'origine de nombreuses guerres.
Celle qui a conduit ces deux pièces d'artillerie à se dresser ainsi sur l'esplanade était la guerre
de Crimée qui se terminait en 1855, au moment même où la vierge de Fresneau était
couronnée.
Cette coïncidence des dates du 8 septembre pour une victoire franco-anglaise sur les troupes
russes avait frappé M. de Montluisant dont l'énergie avait obtenu de la commune de Marsanne
l'emplacement pour la construction dont il se fit l'architecte.
De plus, on raconte que l'évêque de Viviers, alors chargé ce jour-là de l'homélie, ne put
s'empêcher d'inviter les fidèles présents à prier pour nos valeureux soldats qui se battaient au
Proche-Orient et, emporté par sa foi, il les vit victorieux rentrant en France.
Or, on apprit quelques jours plus tard que ce jour-là, le corps expéditionnaire français sous la
direction du général Pélissier avait enlevé le fort de Malakoff, ouvrant ainsi la voie à la prise
de Sébastopol ; ce général devait, grâce à cet exploit, être nommé maréchal et duc de
Malakoff.
M. de Montluisant, peu de temps après, lui, montait à Paris et demanda à être reçu par le
ministre de la Guerre de Napoléon III, à qui il exposa le hasard de la date du 8 septembre,
victoire à Sébastopol, fête religieuse à Fresneau ; il lui demanda donc un souvenir des
trophées que les troupes françaises n'avaient pas manqué de rapporter. Il y avait bien quatre
canons de bronze russes parmi ce butin, mais ils venaient d'être attribués à N-D du Puy-en-
Velay et à N-D de la Garde à Marseille, chacune de ces deux basiliques devant les fondre
pour les transformer en cloches. Il ne restait que deux canons de fonte qui furent attribués à
Fresneau où on les érigea le 10 janvier 1860. Voilà comment ces 4 894 kg de fonte, ornés de
l'aigle impérial russe à deux têtes, figurent en bonne place dans les surprises des pèlerins.
Roger Bonnet