TARDIVON (Jacques de)



TARDIVON (Jacques de)), dernier abbé de Saint-Ruf de Valence et fondateur de la Société royale et académique de cette ville, était le fils aìné de Just-Henri de Tardivon, seigneur de Pranles, en Vivarais, et de Serreméane, dans la baronnie de Clérieu, ancien capitaine d'infanterie, et de Marie Orlandin. Né au château de Fontlosier, près Valence, qui était alors la propriété des Orlandin, il fut baptisé dans l'église Saint-Jean de cette ville, le 14 mars 1714 ; puis, ayant successivement pris les grades de maître ès arts, bachelier et docteur en théologie en l'université de la même ville, il fit profession en l'abbaye de Saint-Ruf, qui était, on le sait, le chef d'ordre d'une congrégation de chanoines réguliers, transférée d'Avignon à Valence en 1158. Elu abbé général de cette congrégation, en 1762, Jacques de Tardivon ne le fut, croyons-nous, que pour discuter les conditions de la sécularisation, autrement dit de la suppression de l'ordre de St-Ruf, qui se mourait, faute de recrues, et qui fut enfin uni à l'ordre de Saint-Lazare de Jérusalem et de Notre-Dame du Mont-Carmel, par bref du 1er juillet 1771 ; après quoi, M. de Tardivon, fort convenablement doté, ne se préoccupa plus que de rassembler une société choisie, dans le charmant hôtel abbatial commencé par son prédécesseur, M. de Nantes, en 1755, et terminé par lui, résidence qui est devenue depuis l'hôtel de la préfecture de la Drôme.
Parlant de cet ecclésiastique à la date du 14 janvier 1791, qui est celle de sa mort, Rochas dit, ou plutôt fait dire à son bourgeois de Valence : " M. Jacques de Tardivon, dernier abbé de Saint-Ruf, est mort aujourd'hui, à l'âge de soixante-dix-sept ans. C'était l'un des plus grands personnages de la ville, mais les gens qui ne se laissent pas aveugler par le succès ne l'estimaient guère. En effet, on n'a pas oublié que, par cupidité et autres motifs inavouables, à l'aide de savantes manœuvres, il réussit à obtenir la suppression de son ordre. Ce bon tour lui procura plus de 24,000 livres de rentes et la jouissance, sa vie durant, du bel hôtel de Saint-Ruf. Son salon a été pendant longtemps le lieu de réunion de la noblesse, et ses fins dîners ont laissé d'inoubliables souvenirs. " C'est se montrer bien sévère, et Rochas se trompe, du reste, lorsqu'il parle de 24,000 livres de rentes, attendu que le compromis qui régla la situation des membres de l'ordre de Saint-Ruf, le 4 août 1773, ne lui en assura que 6,000 et encore, sous condition de faire 1,550 livres de pension à un de ses religieux, sa vie durant, et de donner, après la mort de celui-ci, 2,000 livres par an, pour former, " ainsi qu'il sera convenu avec le sieur évêque de Valence, un établissement de charité dans ladite ville. " Mais il n'est pas moins vrai que le dernier abbé de Saint-Ruf fut, dans l'acception ordinaire du mot, un abbé du xviiie siècle, et qu'en nous occupant de lui, nous n'avons nullement songé au religieux, mais seulement à l'homme du monde accueillant et spirituel qui, sans être, il s'en faut de beaucoup, un savant ni un homme de lettres, aimait les lettres et les sciences en même temps que la bonne compagnie, et qui fonda, enfin, à Valence, la première société savante qu'il y ait eu dans cette ville. C'est chez lui, en effet, que se forma, en 1784, la Société royale et académique, qu'autorisèrent au mois de décembre 1786 des lettres-patentes, enregistrées au parlement de Grenoble, le 5 juin de l'année suivante ; qui s'appela, en 1789, Société académique et patriotique, et qui finit, hélas ! ou à peu près, avec son fondateur, qui était son président.
{366}On raconte que, pendant qu'il était officier d'artillerie à Valence, Bonaparte fréquentait beaucoup M. de Tardivon, à qui il avait été recommandé, et qui lui dit un jour, dans la chaleur d'une discussion : " Au train dont vont les choses, chacun peut devenir roi à son tour. Quand le vôtre viendra, accommodez-vous de la religion chrétienne, vous vous en trouverez bien. " A quoi le futur empereur répondit : " Monsieur l'abbé, quand ce temps sera venu, je vous ferai cardinal. "
BIBLIOGRAPHIE. - Précis pour M. de Tardivon, abbé de Saint-Ruf, contre l'évêque de Valence et le sieur de Chantemerle, official du diocèse... S.l.n.d., in-4º de 24 pp.
#Et. civ. - Bull. d'archéol., xxvi, 351, et xxvii, 69. - Recueil des édits, xxvi, nº 3. - Rochas, Mém. d'un bourg. de Valence, 78. - Arm. Dauph., 716. - De Coston, Prem. ann. de Napoléon, i, 75, 81, 139, 166. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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