POITIERS (Aimar)
POITIERS (Aimar IV de), comte de Valentinois, fils aîné du précédent et de Florie de Beaujeu, sa première femme, hérita des querelles de son père, en même temps que de ses états, et dut se mesurer aussitôt avec Amédée de Roussillon, premier évêque des deux diocèses réunis de Valence et de Die ; car, à peine s'était-il mis en règle avec le Dauphin, seigneur supérieur de quelques-unes de ses terres, en lui faisant hommage, au mois de juin 1277, que le belliqueux prélat, qui menait lui-même ses troupes, lui enleva, coup sur coup, plusieurs châteaux dans le Diois. Aimar III riposta en chassant les épiscopaux de Crest, de Bourdeaux et de Divajeu, et la lutte menaçait, par suite, de prendre d'énormes proportions, quand le roi de France intervint. La principale cause de la querelle étant la possession de la ville de Crest, dont l'évêque et le comte se partageaient le domaine, des arbitres furent chargés de trancher le différend, après mûr examen des droits de chacun ; en attendant, les deux contendants rendirent l'un et l'autre ce qu'ils avaient pris. Seulement, l'évêque n'eut pas plus tôt recouvré sa moitié de Crest, qu'il y fit construire en toute hâte une forteresse dominant un peu celle du comte ; puis, la principale église de cette ville lui étant nécessaire pour l'établissement d'un chapitre, il l'acquit des religieux de Saint-Ruf, à qui elle appartenait, en leur donnant en échange le prieuré de saint Médard de Piégros, qui relevait d'Aimar IV au point de vue féodal, ce qui exaspéra d'autant plus ce dernier que le prélat, dont on devinait facilement les intentions, fit alors une ligue avec ses frères, l'archevêque de Lyon et le seigneur d'Annonay. S'inspirant de cet exemple, le comte de Valentinois fit un traité d'alliance avec le connétable Humbert de Beaujeu et le seigneur de Montferrand, ses oncles maternels, et tout enfin faisait prévoir une prochaine reprise des hostilités dans notre pays, quand Amédée de Roussillon mourut à Die, le 16 septembre 1281, des suites d'une blessure reçue dans un combat contre les Romanais révoltés.
Délivré ainsi de son plus redoutable adversaire, Aimar IV qui, de même que tous les Poitiers, n'était pas homme à s'accommoder de la paix, eut d'autres querelles, et lorsqu'il ne guerroya plus pour son compte, il le fit pour d'autres. Nous savons, par exemple, que le 6 août 1283, c'est-à-dire deux mois après avoir convenu avec Humbert de la Tour, mari de la dauphine Anne, que la fille de ce dernier épouserait son fils à lui, dès qu'elle serait nubile, il se mit à la solde de ce prince, à qui le duc de Bourgogne disputait l'héritage des Dauphins. Puis, c'est avec l'évêque Guillaume de Roussillon, successeur d'Amédée, qu'il eut des dissentiments, d'abord à cause de la bâtie ou maison-forte qu'il avait fait construire à Lène, pour la sûreté des voyageurs qui fréquentaient ces parages, disait-il ; ensuite à cause du titre de comte que lui disputait ce prélat, qui fut le premier à s'intituler évêque et comte de Valence et de Die. Guillaume s'étant alors, en effet, adressé à Rome pour faire valoir ses prétentions, Aimar IV envoya son fils aîné, accompagné de quelques seigneurs, au roi des Romains, Henri de Luxembourg, pour faire valoir les siennes auprès de ce souverain. Enfin, ce dernier lui ayant donné raison par lettres du 15 janvier 1311, {246}et l'évêque n'en continuant pas moins à prendre les titres d'évêque et de comte, il prit alors celui de comte de Valentinois et de Diois ; de là s'ensuivit une telle animosité entre eux que le pape Clément V, qui se rendait au concile de Vienne, s'étant arrêté en passant chez Aimar IV, à Etoile (23 et 24 septembre 1311), dans l'intention de le réconcilier avec son rival, n'y arriva pas.
Reste à savoir si ce fut là le fait d'Aimar IV lui-même ou celui de son héritier présomptif ; car il est bon de dire que ce comte de Valentinois se reposait alors, depuis quelque temps déjà, sur son fils aîné du soin d'administrer ses états, et qu'il en fut ainsi jusqu'à sa mort arrivée en 1329, à Baix, d'où son corps fut transporté en l'église de Cruas, où son tombeau se voit encore avec cette épitaphe : Hâc jacent in fossâ Ademari comitis ossa Nobilis et potens virilitate suâ.
Si précaire était, du reste, dès 1314, son état de santé, qu'il ne put se rendre à l'appel du roi de France, lorsqu'il le convoqua pour la guerre de Flandre, à laquelle son fils mena ses vassaux du Vivarais, et que, hanté par la crainte de la mort, il chargea trois ans après son fils Louis, évêque de Viviers, de réparer les injustices qu'il pouvait avoir commises.
Marié : 1º en 1270, avec Polie de Bourgogne, fille d'Hugues, comte palatin, qui lui apporta en dot la terre de Saint-Vallier et qui fonda, dit-on, vers 1280, le couvent des Cordeliers de Crest ; 2º avec Marguerite de Genève, fille du comte Rodolphe, Aimar IV ne laissa pas moins de dix enfants, six fils et quatre filles.
#Anselme, ii, 193. - Du Chesne, 21. - P.-E. Giraud, Essai sur Romans, ii, 39. - Bull. d'archéol., xxviii, 264 ; xxix, 71 ; xxx, 118. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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