LIONNE (Charles de)
LIONNE (Charles de)), dit l'abbé de Lesseins, collectionneur, né à Romans, en 1616, était le troisième fils d'Hugues, seigneur de Lesseins, Aoste, Triors et Flandène, conseiller au parlement de Grenoble, et de Laurence de Claveyson, et conséquemment le cousin germain du célèbre diplomate et ministre de Louis XIV, Hugues de Lionne, marquis de Fresnes et de Berny. Prieur commendataire de St-Romans et de Nacon, dès 1647, puis de St. Marcel-de-Sauzet, d'Antonaves, de Ballons, de Lachau et de Beaumont-lès-Valence, il devint, en 1650, sacristain, c'est-à-dire premier dignitaire du chapitre de St-Barnard de sa ville natale, et obtint ensuite, par la faveur de son cousin le ministre, l'abbaye royale de St-Calais, valant 8,000 livres de rente, en dédommagement de ce qu'il n'avait pu être nommé évêque de Gap, ni de Grenoble, suivant le Dr Chevalier ; tandis que Chorier donne au contraire à entendre qu'il ne voulut pas de l'épiscopat. En outre de cela, l'abbé de Lesseins fut agent général du Clergé, après avoir été secrétaire de l'Assemblée générale du clergé de France, tenue à Pontoise en 1670-71, et, ce qui est un comble, fut pourvu du gouvernement militaire de Romans, après la mort de son frère cadet, Humbert de Lionne, seigneur de Flandène et gentilhomme de la Chambre du roi, en 1675. Mais ce qu'il importe surtout de remarquer, c'est que ce cadet de famille, si abondamment pourvu de bénéfices, de dignités et d'emplois, qui fut pendant un demi-siècle le personnage le plus considérable de la contrée, était un véritable grand seigneur ami des lettres et des arts, en même temps que généreux, pour ne pas dire prodigue. Habitant tantôt, à Romans, l'Hôtel des Allées, grande et belle maison qu'il fit bâtir et qui est occupée aujourd'hui par un couvent de Clarisses ; tantôt le château voisin de Triors, qu'il fit également construire vers 1667, et qui était une résidence princière, à en juger par la vue que l'on en a conservée ; il emplit l'une et l'autre de ces deux vastes demeures d'antiquités, de tableaux et d'autres objets d'art, apportées en grande partie de Rome, en 1655. On peut juger de l'importance des collections de l'abbé de Lesseins par ce fait que, l'inventaire qui en fut dressé après la mort de celui qui les avait formées, joint à celui d'un mobilier somptueux, occupe 398 pp. in-4º, et que l'intéressant résumé qu'en a fait et publié le savant archiviste du diocèse de Valence, M. le chanoine Perrossier, est lui-même fort étendu. On y voit qu'elles ne comprenaient pas moins de 539 tableaux, parmi lesquels il s'en trouvait un de Paul Véronèse, deux de Sasso Ferrato, un de Téniers, un de Grimani, un de Lebrun, un de Juste {97}et un de Stella ; et nous savons d'ailleurs que leur heureux possesseur dépensa d'assez grosses sommes pour faire réparer ces tableaux par différents artistes, notamment par le peintre Paul Sevin, de Tournon. Quant aux marbres, aux bronzes, aux ivoires, aux terres cuites et autres objets d'art collectionnés par Charles de Lionne, ils étaient en nombre considérable ; et sa bibliothèque, qui était, elle aussi, assez riche, paraît être celle d'un homme se piquant de littérature.
Riche, généreux et ami des lettres, l'abbé de Lesseins ne pouvait manquer d'être un Mécène, et c'est pour cela qu'au moins deux étudiants lui dédièrent leurs thèses imprimées sur satin blanc et qu'il en fut de même du Voyage en Italie, tant par mer que par terre, de Barbier, de Mercurol. Avec cela il donnait des fêtes, pour lesquelles on composait des divertissements particuliers, ainsi que le prouve une plaquette in-8º de 9 pages, imprimée à Grenoble chez Antoine Verdier, sous ce titre : Balet de la puissance des richesses, dansé à Romans, dans la galerie de l'abbé de Leyssins, le 1er mars 1661 ; rappelons enfin, pour donner une idée complète des intelligentes prodigalités de cet ecclésiastique grand seigneur, que pour perpétuer le souvenir de l'hospitalité qu'il donna aux ducs de Bourgogne et de Berri, petits-fils de Louis XIV, lorsqu'ils passèrent à Romans, au mois de mars 1701, il fit ériger à l'entrée de son jardin un arc de triomphe qui n'a été démoli qu'en 1862.
On ne saurait s'étonner, après cela, de ce que l'abbé de Lesseins, qui mourut le 25 août 1701, ait laissé une situation tellement embarrassée, qu'il fallut vendre tous ses biens pour payer ses dettes, en commençant par ses collections, dont les religieuses de Montfleury se firent adjuger quelques bronzes et tableaux pour le prix de 577 livres 10 sols, et dont le reste s'éparpilla.
ICONOGRAPHIE. - L'inventaire de l'abbé de Lesseins mentionne un portrait de lui, gravé, que nous n'avons pu découvrir.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Un Collectionneur dauphinois au xviie siècle, par M. Cyp. Perrossier. Valence, Céas, 1894. In-8º, 126 pp.
#Chorier, Estat polit., iii, 327. - Dr Chevalier, Lettres in édites de Hugues de Lionne, 20-24. - Ed. Maignien, Artistes Grenobl., nº 425. - Lelong, Bibl., i, 6889. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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