LÉORIER DE L'ISLE (Pierre-Alexandre)
LÉORIER DE L'ISLE (Pierre-Alexandre)), célèbre fabricant de papiers, quelque peu homme de lettres, né à Valence, le 30 juin 1746 et décédé à Montargis (Loiret), le 25 août 1826, était fils d'Antoine Léorier, procureur, et de Marie Duguers. Ayant premièrement embrassé la carrière des armes, il était capitaine de dragons, lorsqu'il dut abandonner cette carrière à la suite de démêlés avec un de ses chefs, et se trouvait conséquemment sans position, quand il obtint la direction de la papeterie de Langlée, nouvellement construite, non loin de Montargis, au point de jonction des canaux d'Orléans et du Loing, sous le patronage de la maison d'Orléans. Or, tout étranger qu'il semblait être à l'industrie, non seulement il releva cet établissement, qui périclitait déjà, mais il en fit un des plus beaux du royaume, en y introduisant tous les perfectionnements possibles. Mieux que cela, il s'attacha à fabriquer du papier avec quantité d'autres matières que le chiffon, puis fit imprimer sur ces produits de son invention, pour les faire connaître, deux volumes qui sont aujourd'hui d'une extrême rareté.
Imprimé à Montargis, en 1784, par Pelée de Varennes, son auteur, le premier de ces volumes est intitulé : Les loisirs des bords du Loing et forme un in-12 de 4 ff. non numérotés, + IV, + LX, + 140 pp., dont il avait été fait un tirage sur papier ordinaire, quand Léorier de l'Isle en fit tirer une cinquantaine d'exemplaires sur papier rose, contenant en outre une dédicace de lui à Mme de Cypierre, intendante d'Orléans ; une note de l'éditeur et, à la suite, sous le titre de : Supplément aux Loisirs des bords du Loing. Essais de papiers fabriqués avec de l'herbe, de la soie et du tilleul. A Langlée, près Montargis, 1784, et Papiers de deux couleurs différentes teints en matières, onze petites pièces de vers imprimées sur les dits papiers. Dans la poésie imprimée sur papier d'herbe on lit :
[Quel bonheur, bergers amoureux,
Vous devez goûter à décrire
Sur ce gazon voluptueux,
Les transports qu'Amour vous inspire.]
...
Et dans celle qui est imprimée sur papier de soie:
...
[Ce papier, ô ma douce amie,
Est fait du même taffetas,
Que je voyais, avec envie,
Servir de voile à vos appas.]
Quant au second volume, qui contient les Œuvres du marquis de Villette, et fut imprimé, deux ans plus tard à Londres, (Orléans), il est de format in-16 et comprend 4 ff. + 156 pp. Nous en connaissons deux exemplaires, imprimés l'un sur papier d'écorce de tilleul, l'autre sur papier de guimauve, augmentés l'un et l'autre d'un certain nombre de feuillets fabriqués avec autant de matières différentes : orties ; houblon ; mousse ; roseaux ; conferves de trois espèces ; racines de chiendent ; bois de coudrier ; écorce de fusain ; bois de fusain ; écorce de chêne, de peuplier, d'osier, d'orme, de saule ; bardanne ; pas d'âne ; chardons, etc.
Ces essais, dont les résultats furent différents, témoignent, en tout cas, de l'esprit inventif de Léorier de l'Isle, qui se faisait un point d'honneur d'égaler au moins n'importe qui dans la fabrication du papier, et qui arriva notamment à faire du papier teint en matière, qui, sans être trop épais, était au recto d'une autre couleur qu'au verso, tour de force que les Hollandais avaient été, jusque-là, les seuls à accomplir. Enfin, il avait fait de Langlée un établissement modèle, lorsqu'il en abandonna la direction, à la suite de discussions d'intérêts. C'était en 1787, date à laquelle il fonda, en société avec le directeur de l'Imprimerie royale, Anisson du Perron, la papeterie de Buges, qui eut aussitôt une très grande importance et fournit, pendant la Révolution, le papier pour les assignats. Seulement, comme il ne put fournir sa moitié des fonds nécessaires, il cessa, diton, d'être copropriétaire de cet établissement, le 31 janvier 1791, pour en être simplement le directeur intéressé, ce qui ne doit pas être tout à fait exact ; car Anisson du Perron étant monté sur l'échafaud révolutionnaire, le 25 avril 1794, et ses biens ayant été, par suite, confisqués, la Convention décida, le 15 octobre suivant, sur le {95}rapport de Réal, que la papeterie de Buges serait adjugée au " citoyen Léorier-Delisle, intéressé dans cette manufacture ", pour un prix représentant " la moitié de l'actif net de la société, plus la totalité des dettes passives dues, déduction faite des avances par Léorier-Delisle. " Une autre condition de la cession était qu'il serait " tenu de fournir aux prix que fixera le Comité des finances, le papier-assignat dont la fabrication aurait été décrétée. " Devenu ainsi seul propriétaire de cette papeterie, Léorier de l'Isle le resta jusqu'à sa mort, malgré les réclamations que la famille Anisson du Perron adressa au Conseil des Anciens et ensuite au Conseil des Cinq-Cents, pour rentrer en possession de ses biens confisqués, réclamations qui furent définitivement repoussées dans la séance du 4 pluviôse an VII, sur la proposition de Lecointe-Puiravaux, après une discussion assez vive, à laquelle prit part le Dauphinois Duchesne.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Mémoire pour la papeterie de Buges... S.l.n.d., in-4º. (Au sujet de la soumission du papier pour les assignats).
II. Le citoyen Léorier-Delisle, entrepreneur de la manufacture de papiers établie à Buges..., aux citoyens composant le Comité des assignats..., sur la fabrication d'un papier inimitable pour la refonte des assignats. Paris, Imp. nat., 1793, in-4º.
III. Réponse aux réclamations de la famille Anisson, sur la vente de la papeterie de Buges. S.l. (an VII), in-8º de 14 pp.
#Biogr. Dauph., ii, 51. - Etat civil. - Brunet, Man. du bibl. - Quérard. - Arch. du Bibliophile, nº 27. - Réimpr. du Moniteur, xxii, 248 ; xxix, 33, 581 et 595 bis.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
LE MASSON (Antoine).htm <-- Retour à l'index --> LÉRISSE (Guillaume).htm