LEBRUN-TOSSA (Jean-Antoine)
LEBRUN-TOSSA (Jean-Antoine BRUN, dit)), écrivain né à Pierrelatte, le 24 septembre 1760, de Jacques-Antoine, chapelier, et d'Ennemonde Daudel, se destina d'abord au sacerdoce et fit ses études au séminaire de Saint-Paul-Trois-Châteaux ; puis, ayant perdu la vocation ecclésiastique en lisant les écrits de Voltaire et de J.-J. Rousseau, alla, comme instituteur, à Grenoble et de là à Paris, où il abandonna l'enseignement pour la littérature. Dès 1785, il fondait un journal de modes, qui réussit assez pour le faire vivre ; mais cette publication ayant ensuite subi le contrecoup des événements politiques, il publia alors, sous le voile de l'anonyme, une facétie rimée : Le Père éternel démocrate, ou les vainqueurs de la Bastille en paradis, qui témoigne de l'impiété de son auteur au moins autant que de son enthousiasme pour la Révolution. Après cela, il fit jouer, sur différents théâtres, des pièces de circonstance d'autant plus facilement oubliées qu'on ne les imprima pas, par exemple : Les Noirs et les Blancs, Un ami comme il y en a, et aussi un Washington, le tout fortement imprégné, bien entendu, d'esprit révolutionnaire ; ce qui ne l'empêcha pas de donner une Apothéose de Charlotte Corday, et de prendre directement à partie le Jacobinisme, dans une pièce intitulée : Arabelle et Vascos, ou les Jacobins de Goa, quand Robespierre eut été renversé. Mais, ce qui ne se modifia pas chez lui, c'est l'esprit {89}antireligieux, ainsi que le prouve la lettre qu'il écrivit en l'an III, pour réclamer sa part des secours qu'allait distribuer la Convention, et dans laquelle il revendique la paternité d'un écrit attribué à Raynal : Origine et absurdité de la confession auriculaire, en même temps que celle du Père éternel démocrate, et mieux encore celles qu'il adressa au notaire Paume, son compatriote, le 9 thermidor an V'et le 9 brumaire an VI, car, dans la première, en parlant d'un ouvrage de lui, " fait il y a quatre ou cinq ans ", et que " les circonstances du retour des prêtres, c'est-à-dire de l'intolérance et du fanatisme ", lui " ont paru propres à mettre au jour ", il se moque des leçons de théologie que lui donnèrent " pendant deux mois les respectables Sulpiciens " ; tandis que dans la seconde, après avoir vanté son désintéressement, il déclare que les infirmités venues, il trouvera sa " fortune toute faite dans le canon d'un pistolet ou au fond de la Seine. "
Or, à ce moment-là, Lebrun-Tossa était cependant sous-chef de bureau au Ministère de la police générale. Seulement, il faut bien reconnaître qu'à certains contacts, une semblable nature ne pouvait que se pervertir encore ; et de fait, le livre qu'il publia sous le pseudonyme de Lebrun (de Grenoble), et le titre de Portefeuille politique d'un ex-employé du ministère de la police, en quittant cet emploi, est un exposé cynique des idées les plus audacieuses et des maximes les plus immorales. Il n'entra pas moins, peu de temps après, dans les bureaux du Ministère de l'Intérieur, d'où il passa dans ceux de la direction générale des Droits réunis, quand Français (de Nantes), cette providence de tant d'écrivains dauphinois, en devint le chef (1804), et là il resta jusqu'à sa mise à la retraite, en 1815, étant alors devenu chef de bureau, en dépit de toutes les querelles qu'il eut comme écrivain avec d'autres écrivains, notamment avec Fabien Pillet et surtout avec Etienne, à propos de la comédie : Les Deux Gendres. Cette dernière querelle, qui a peutêtre plus fait pour la célébrité de Lebrun-Tossa que tous ses écrits, aurait même pu lui être fatale, sans une haute intervention, à cause de l'importance de son adversaire, sil'on en croit une lettre qu'il adressa dans ce tempslà au préfet de la Drôme ; mais nous ne nous permettrons pas pour cela de dire qu'il avait tort. Constatons simplement que l'auteur dramatique Etienne ayant donné au Théâtre-Français sa comédie des Deux Gendres, que l'on joua pour la première fois, le 11 août 1810, et qui lui ouvrit les portes de l'Académie française, Lebrun-Tossa l'accusa publiquement d'abus de confiance et de plagiat, prétendant que cette pièce n'était que la reproduction d'une autre ayant pour titre : Les Gendres ingrats et punis, trouvée en manuscrit dans les vieux papiers du Ministère de la police et par lui communiquée à Etienne, avec qui il devait la refaire. Cette accusation donna lieu à la publication de quantité d'écrits pour ou contre, sans que la question ait été vidée. Quant à Lebrun-Tossa, ardent napoléonien alors et même encore en 1814, il traita ensuite l'Empereur de " moderne Tibère " ; puis acclama Louis-Philippe, et ne s'en serait probablement pas tenu là, si la mort ne l'avait frappé le 29 mars 1837.
La ville de Valence a donné son nom à une de ses rues.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Le Père éternel démocrate, ou le vainqueur de la Bastille en paradis, malgré saint Pierre. S.l.n.d., in-8º de 15 pp.
II. Arabelle et Vascos, ou les Jacobins de Goa, drame lyrique en trois actes. Paris, 1794, in-8º.
III. Le Cabaleur, comédie en un acte. S.l., 1794, in-8º.
IV. La Folie de Georges ou l'Ouverture du Parlement d'Angleterre, comédie en trois actes et en prose. Paris, Barba, an II, in-8º.
V. Le Savoir-Faire, opéra en deux actes et en prose. Paris, 1795, in-8º.
VI. Alexandrine de Bauny ou l'Innocence et la Scélératesse. Paris, Galetti, 1797, in-12.
VII. Le Mont Alphéa, opéra en trois actes (et en prose, mêlé d'ariettes). Paris, 1796, in-8º.
{90}VIII *. Origine et absurdité de la confession auriculaire, réfutation de la politique du comte de Guibert. Ecrit attribué à tort à l'abbé Raynal.
IX *. L'anti-prêtre (anonyme). Paris, les marchands de nouveautés, an VI, in-8º de 70 pp.
X. Les Faux Mendiants, opéra comique en un acte et en vers. Paris, an VI, in-8º.
XI. L'Honnête Aventurier, comédie en un acte et en vers. Paris, Ch. Tutot, an VI, in-8º.
XII. Porte feuille politique d'un ex-employé au ministère de la police générale, ou Essai sur l'instruction publique, par Lebrun (de Grenoble). Paris, l'auteur, an IX, in-8º de xxiv + iij + 313 pp.
XIII. Le Terne à la loterie, ou les Aventures d'une jeune dame, écrites par elle-même (trad. de l'italien de l'abbé Chiari). Paris, Debray, 1800, in-8º.
XIV. La jolie Parfumeuse ou la Robe de conseiller, vaudeville en un acte, par les citoyens Lebrun-Tossa et Bonel. Paris, Barba, an X, in-8º de 35 pp. - Autre éd. pareille, chez le même, an XIII.
XV. Mes révélations sur M. Etienne, les deux Gendres et Conaxa. Paris, Dentu, 1812, in-8º de 35 pp. - Autre éd. pareille, même date.
XVI. Supplément en réponse à MM. Etienne et Hoffmann. Paris, Dentu, in-8º.
XVII. Epître à Gresset, au sujet de la reprise du Méchant... en 1811, suivie de deux ouvrages de ce poëte célèbre (Le Chien pécheur et la Musique-poëme), qui ne sont dans aucune édition de ses œuvres, et d'une épître à un jeune provincial, intitulée : L'art de travailler aux journaux, par l'ex-Révérend Père Ignace de Castelvadia, petit-neveu du Révérend Père Brunoi. Paris, Moronval, s.d. ; in-12 de 93 pp., attribué à tort à Cubières.
XVIII. La Patrie avant tout. Eh ! que m'importe Napoléon ! Paris, Laurent Beaupré, 1815, in-8º.
XIX *. L'Evangile et le Budget, ou les Réductions faciles, par M. Talon-Brusse, marguillier de sa paroisse et rentier consolidé. Paris, Plancher-Delaunay, 1817, in-8º de 88 pp.
XX *. Voltaire jugé par les faits, par M... Paris, Plancher, 1817, in-8º de 72 pp., avec une pl. allégorique.
XXI *. Les Consciences littéraires d'à présent, avec un Tableau de leurs valeurs comparées, indiquant de plus les degrés de talent et d'esprit, par un jury de vrais libéraux. Paris, Plancher, 1818, in-8º.
XXII *. Plus de charte octroyée ! plus de noblesse héréditaire ! par l'Aveugle du Marais (qui n'y voit que trop clair). Paris, août 1830, in-8º.
XXIII *. Troubles qui ont eu lieu à Saint-Etienne dans le Forez. Drapeau rouge déployé, vol de 40,000 fusils. (Anonyme). S.l.n.d., in-8º.
Indépendamment de cela, Lebrun-Tossa a publié des vers dans l'Almanach des Muses et d'autres recueils.
#Biogr. Dauph., ii, 44. - Biogr., Jay et Jouy. - Et. civ. - J. Saint-Rémy, Pet. anth. des poètes de la Drôme. - Cat. Soleinne. - Ed. Maignien, Dict. des anon. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
LEBON ou LE BON (Hugues).htm <-- Retour à l'index --> LE FERON (Gilles).htm