GENOUDE (Antoine-Eugène)



GENOUDE (Antoine-Eugène GENOUD dit de)), célèbre publiciste, né à Montélimar, le 9 février 1792, était fils de " Jacques-Louis Genoud, bourgeois du lieu des Marches en Savoie ", qui s'établit maître d'hôtel dans cette ville, le 16 juillet 1790, y ayant alors loué, à raison de 1,900 livres par an, l'hôtel des Princes. Envoyé de très bonne heure à Grenoble, pays de sa mère, il y fit ses études au lycée, puis alla à Paris (1810), emportant une tragédie sur la mort d'Abel et un poème intitulé : La Colombiade qui, à défaut d'autre mérite, eurent celui de le faire exempter du service militaire, Fontanes l'ayant, pour cela, fait nommer professeur de sixième au lycée Bonaparte, ce qui n'empêcha pas notre jeune Montilien d'être avec cela secrétaire de l'ancien ministre de la police, Lenoir-Laroche, et de s'occuper en outre beaucoup de spéculations philosophiques ; tellement qu'après avoir versé un moment dans le scepticisme de Voltaire et de Diderot, il devint déiste à la façon de Jean-Jacques Rousseau, et du déisme passa enfin au catholicisme, dont il devait être un des champions les plus résolus. Or, catholique, sa première œuvre fut une traduction des prophéties d'Isaïe qui ne put être imprimée, la censure impériale ayant vu dans certaine note sur Nabuchodonosor une allusion malveillante à Napoléon ; et c'est peut-être là ce qui le fit applaudir au rétablissement des Bourbons sur le trône de leurs aïeux, tout en demandant, ainsi qu'il le fit dans une brochure intitulée : Réflexions politiques, que " l'élite de la Nation assemblée concoure avec le roi à la formation de la loi ", c'est-àdire à la confection de la Charte.
Pendant les Cent-Jours, il alla à Chambéry se mettre à la disposition du comte de Polignac, agent extraordinaire du roi Louis XVIII, qui le prit pour aide de camp et le chargea, dit-on, d'une mission de confiance à Grenoble ; mais, la seconde Restauration faite, il s'empressa de retourner à Paris, où il déposa l'épée pour reprendre la plume, qui devait être désormais sa seule arme, arme parfois redoutable entre ses mains. Et c'est ainsi que, tout en s'occupant d'autres travaux, notamment d'une traduction de la Bible qui lui valut, en 1822, une pension de 2,500 francs sur la cassette royale, il écrivit d'abord dans Le Conservateur, journal de Châteaubriand (1818) ; puis, dans Le Défenseur, qu'il fonda de concert avec Lamennais (1820) et qui n'eut qu'une existence éphémère ; enfin, dans L'Etoile, journal de de Villèle qui, devenu en 1825 La Gazette de France, fut vingt-quatre ans durant pour lui une véritable tribune. Défenseur convaincu de la monarchie traditionnelle, il dut à cela d'être anobli, le 28 juin 1822, et nommé dans le même temps maître des requêtes au Conseil d'Etat et, plus tard d'être décoré de la Légion d'honneur et des ordres espagnols de Saint-Ferdinand, d'Isabelle la Catholique et de Charles III. Libéral non moins convaincu, l'opposition qu'il fit au ministère Polignac lui fit perdre ensuite la pension qu'il tenait de la munificence de Louis XVIII, sans modifier son attitude ; car il ne cessa jamais de défendre la royauté légitime et les institutions libérales et fut, après l'écroulement du trône de Charles X, un adversaire implacable pour le gouvernement de Louis-Philippe. Rien ne le prouve mieux que les nombreu{375}ses condamnations dont il fut frappé en peu de temps, - et presque toujours " pour excitation à la haine et au mépris du Gouvernement et offenses envers la personne du roi ", bien qu'il déclarât hautement ne vouloir user que des moyens légaux pour arriver à ses fins, - saVoir : le 13 mai 1830, à quinze jours de prison, par la cour royale de Paris ; le 24 novembre suivant, à un mois de prison, par la Chambre des pairs ; le 26 janvier 1832, encore à un mois de prison par la cour d'assises de la Seine, et, le 7 février suivant, à trois mois de la même peine par la même cour.
Cherchant alors un point d'appui chez les masses, pour battre en brèche le gouvernement de la bourgeoisie, il donna pour devise à son journal : Tout pour le peuple et par le peuple, et justifia cette devise en préconisant le suffrage universel et réclamant la liberté de la presse, la liberté d'association et la liberté de l'enseignement. Indépendamment de cela, il fit siennes la cause de la Pologne et celle de l'Irlande, ce qui eut pour résultat de faire interdire son journal dans certains pays. Enfin il mit tant de passion dans toutes les questions dont il s'occupa, que, pour protester contre le recensement Humann, mesure inquisitoriale ayant pour but d'augmenter le nombre des contribuables, il laissa saisir jusqu'à quatre fois son mobilier, plutôt que de se soumettre à ce recensement. Ajoutons que La Gazette ne lui suffisant pas pour répandre ses idées, il créa, tant à Paris que dans les départements, quantité d'autres journaux et que, non content de cela, il voulut encore être député pour les prêcher du haut de la tribune législative. Elu seulement en 1846 dans la Haute-Garonne, après avoir échoué à Montélimar en 1834, à Redon en 1841 et trois ans après à Savenay, Périgueux et Bordeaux, il n'eut que peu de succès à cette tribune, et quand la Révolution de février 1848 eut, tout à la fois, renversé le trône qu'il sapait depuis dix-huit ans et fait triompher certaines de ses idées, il tomba tout a fait dans l'oubli ; à tel point que le Père du vote universel, comme l'appelaient ses amis, ne fut pas élu représentant du peuple, bien qu'ayant posé sa candidature à Paris et à Lyon.
Cet intrépide lutteur mourut à Hyères, le 19 avril 1849, laissant de Léontine Caron de Fleury, parente de Racine et de Corneille, qu'il avait épousée en 1821 et qu'il perdit au bout de treize ans de mariage, quatre fils, dont le plus jeune allait mourir de misère lorsqu'il fut recueilli par Aubry-Foucault, gérant de La Gazette de France, puis nommé, sur les instances de Lamartine, chancelier du consulat de France à Sydney, où il ne tarda pas à mourir.
Complétons-nous en rappelant que de Genoude entra dans les ordres aussitôt après la mort de sa femme et que, " prêtre par la grâce du Seigneur ", comme il s'intitulait, il prêcha avec quelque succès à Saint-Philippe-du-Roule, à Notre-Damede-Lorette, à Saint-Sulpice et dans d'autres églises ; mais rien ne saurait primer chez lui le publiciste, qui fut réellement de grande envergure ; comme aussi ne faut-il pas oublier que c'est sur ses instances que Lamartine se décida à publier ses Méditations poétiques, dont l'apparition marqua, on le sait, une révolution dans la littérature française.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Bibliographie de M. Eugène de Genoude, extraite de la Biogr. des hommes du jour, par MM. Germain Sarrut et B. Saint-Edme. Paris, Baudoin, 1841, grand in-8º, avec portrait. - II. Histoire contemporaine des hommes et des journaux politiques, par un ancien député. I. M. de Genoude et la Gazette de France. Paris, Colomb de Batines, 1842, in-8º. - III. Biographie de M. de Genoude, par un collaborateur du journal Le Bourbonnais. Paris, Perrodil, 1844, in-8º. Il y a une seconde édition intitulée : Biographie de M. de Genoude, par M. F... (Fayet), professeur de rhétorique, suivie d'une Histoire de la Gazette de France, par A. Nettement. Paris, Perrodil, 1846, in-12. - IV. Biographie de M. de Genoude, par Henri Bretonneau. Paris, Vaton, 1847, in-18. - V. Souscription pour la médaille commémorative de M. de {376}Genoude. Paris, le 12 mai 1849. Paris, Pinard, in-8º. - VI. L'école du Genoudisme par les soi-disant légitimistes. Saumur, P. Godet, 1886, in-8º de 26 pp.
ICONOGRAPHIE. - I. Lith. in-fol., de Villale. Buste de 3/4 à G., drapé dans un manteau de fourrure, Ducis pinxit ; Bazin del. Légende : De Genoude, Sainte-Pélagie, février 1832. - II. Lith. in-4º. Buste de 3/4 à G., en costume semi-ecclésiastique. Dopter, éd. chez Giraud, à Nîmes. - III. Lith. in-4º, de Castille. Buste de 3/4 à D. 0,120/0,106.Ate Legrand (del.), dans la Biogr. des hommes du jour. - IV. Lith. in-4º, de Junca. Buste de 3/4 à D., 0,120/0,130. Planta (del.). - V. Lith. in-4º, de Guillet. Buste de 3/4 à G., 0,127/0,112, dans la Gal. du Journal des prédic. - VI. Lith. in-fol., de A. Godard. Buste de 3/4 à G., 0,175/0,160. Ate Legrand, 1840 (del.). - VII. Lith. in-12, A. de Bayalos (del.), impr. Lemercier, Bonnard et Cie, dans la Biogr. du Clergé contemp. - Autre buste de 3/4 à G., en costume civil. Tailland (sc.). Appert, id. - VIII. Lith. in-fol., de Storck, à Lyon. Buste de 3/4 à G., en costume civil. Au bas 21 lignes de texte résumant ses principes politiques. - IX. Grav. in-fol., en pied, de 3/4 à G., debout dans son cabinet de travail. N. Desmadryi, grav. d'après le tableau de John Lewis Brown.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Réflexions sur quelques questions politiques. Paris, 1814, in-8º.
II. De la Maison du roi. Paris, 1820, in-8º.
III. Voyage dans la Vendée et dans le Midi de la France, suivi de Voy. pittor. en Suisse. Paris, 1820, in-8º.
IV. La Sainte Bible traduite en français d'après les textes sacrés. Imp. roy., 1820-1824, 16 vol. in-8º. Ouvrage dont il y a eu quantité d'autres éditions.
V. Du monument à élever à la mémoire de Mgr le duc de Berry. Paris, 1821, in-8º.
VI. Considérations sur les Grecs et les Turcs, suivies de mél. relig., pol. et litt. Paris, 1821. In-8º de 3 ff. + 302 pp.
VII. Des Grecs et des Turcs. Paris, Méquignon-Havard. In-8º de 97 pp.
VIII. Déclaration et logique de la Gazette de France. S.l.n.d., mais 1830, in-8º.
IX. Discours de MM. Thouret et de Genoude, devant la Cour d'assises de la Seine (7 fév. 1832). Paris, Casimir, in-16.
X. Réfutation des opinions de M. Salvator. Paris, Casimir, 1838, in-8º de 57 pp.
XI. Prospectus pour l'émancipation politique et la réforme parlementaire. S.l., 1833, in-8º.
XII. La raison du Christianisme, ou preuves de la divinité de la religion tirée des écrits des plus grands hommes... Paris ; Sapia, 1834-1835. 12 vol. in-8º. - Réimprimé en 1836 et en 1841.
XIII. Protestation de M. de Genoude, propriétaire au Plessis-les Tournelles, demandant les droits de tous. S.l., 1833, in-8º.
XIV. L'Imitation de Jésus-Christ. Paris, Sapia, 1835, in-12. Trad. qui a eu nombre d'éditions et qui a, en partie, donné lieu à une broch. de 20 pp. intitulée : Sur deux traductions nouvelles de l'Imitation de Jésus-Christ et principalement sur celle de M. de Genoude, par C. D. S.l.n.d., in-8º de 20 pp.
XV. La Vie de Jésus-Christ et des Apôtres, tirée des Saints Evangiles... préface de l'abbé Juste. Paris, Pourrat, 1836, 2 vol., in-8º avec fig. Réimpr., Paris, Didot, 1842, in-12. Réimpr. en 1881, 2 vol. gr. in-8º.
XVI. Discours sur les mystères et sur les fins de l'Homme ou Exposition nouvelle du Dogme catholique. Paris, 1837, in-8º.
XVII. Leçons et modèles de littérature sacrée. Paris, Lheury, 1837, grand in-8º, avec figures.
XVIII. Mémoire pour le rétablissement de l'Oratoire, présenté à S. S. le pape Grégoire XVI. Paris, Didot, 1839, in-4º. - XVIII bis. Mémoire pour le rétablissement de la Congrégation de l'Oratoire, à Son Excellence M. le Garde des Sceaux, ministre de la justice et des cultes. S.l., Didot, s.d., in-4º. - XVIII ter. Pétition à la Chambre des députés, pour le rétablissement de l'Oratoire. S.l., Sapia, s.d., mais 1843, in-4º.
XIX. Exposition du Dogme catholique. Paris, Lefèvre, 1840, in-8º, et autre éd., 1842, in-12. Réimpr. en 1843.
XX. Sermons et Conférences. Paris, Vaton, 1841, in-8º. Ouvrage dont il y eut trois éd. la même année, et une quatrième de format in-12, en 1842. chez Perrodil.
XXI. Lettres sur l'Angleterre, suivies de plusieurs opuscules de Mgr Wisemann. Paris, 1842, in-8º.
XXII. La Divinité de Jésus-Christ annoncée par les prophètes, ouvrage suivi de l'Histoire d'une âme et de celle des conversions les plus célèbres. Paris, Sapia, 1842, 2 vol. in-12. Ouvrage dont il y a une seconde éd. Paris, 1843, 2 vol. in-18 ; et dont une partie, qui n'est autre chose que le narré de la vie intellectuelle de l'auteur, a été publiée à part sous le titre de : Histoire d'une âme, suivie de quelques fragments sur le Plessisaux-Tournelles, Paris, Perrodil, 1844, in-8º.
XXIII. Défense du Christianisme par les Pères des premiers siècles de l'Eglise contre les philosophes, les Payens et les Juifs. Paris, 1843, in-12.
XXIV. Biographie sacrée ou histoire des personnages cités dans l'Ancien et le Nouveau testament. Paris, Plon, 1844, 2 vol. in-8º.
XXV. Histoire de France jusqu'en 1830. Paris, 1844-1847, 16 vol. in-8º. Complétée par : Histoire de la Révolution française. Paris, 1846, 7 vol in-8º.
XXVI. Discours en faveur de la réforme électorale..., par MM. de Castillon Saint-Victor et de Genoude, député de Toulouse. Lyon, 1846, in-8º de 16 pp.
XXVII. Œuvres de M. de Genoude, publiées {377}par A. Delaforest. Paris, Parent-Desbarres, 2 vol. in-8º. C'est une réimpression de la plupart des opuscules antérieurs à cette date.
Indépendamment de cela, E. de Genoude a publié en collaboration avec M. de Lourdoueix :
XXVIII. La Raison monarchique ou principes de Bossuet et de Fénelon sur la souveraineté. Paris, Sapia, 1838, in-8º.
Il a, en outre, publié quantité d'articles signés G., dans l'Ami de la Religion ; traduit en français plusieurs Pères de l'Eglise ; enfin, édité bon nombre d'autres écrits, tels que les Œuvres de Malebranche, les Œuvres spirituelles de Fénelon, etc., etc.
#Biogr. Dauph., i, 416, - De Coston, Hist. de Montélimar, iii, 292. - Biogr. clergé contemp., iv, 109, avec portr. - Quérard, Superch. litt., ii, 153. - Le Dauphiné, xiii, 162. - Delacroix, Stat. de la Drôme, 560. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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