GAGNE (Etienne-Paulin)
GAGNE (Etienne-Paulin{350}), écrivain, né à Montoison, le 8 juin 1808, d'une famille qui s'établit ensuite à Montélimar, fut avocat, d'abord au tribunal de cette dernière ville, puis à Paris, où la perte du seul procès qu'il ait jamais plaidé lui fit bientôt prendre le barreau en aversion. Tout en restant inscrit au tableau de l'Ordre, il déserta donc alors le Palais de Justice pour publier des écrits en prose ou en vers sur les sujets les plus différents ; et, revenu à Montélimar en 1848, il y devint tout à la fois bâtonnier de l'ordre des avocats et premier adjoint au maire, mais s'occupa surtout de la rédaction du Journal de Montélimar, auquel il donna pour titre : L'Espérance et qui n'eût pas tardé à succomber, si son imprimeur-propriétaire, justement alarmé, ne s'était bien vite privé de sa collaboration.
Marié, le 23 avril 1853, avec Mlle Elise Moreau, écrivain de mérite qui ne signa pas, dit-on, d'autre mauvaise pièce que son contrat de mariage, Gagne publia, avec son concours, Le Théâtre du Monde, petit recueil mensuel dans lequel on trouve quelques bons articles qui ne sont pas les siens ; puis, L'Unitéide ou la Femme-Messie, poème de près de 25,000 vers, en 60 actes et 12 chants, dont le sujet est la femme-messie et " unitrice, " sauvant le monde par l'unité napoléonienne, et dont le 24e acte, intitulé : La Bestiologie, est une énumération des avantages physiques que les habitants de Paris trouveraient à se marier avec les animaux du Jardin des Plantes. Enfin, retourné à Paris, vers 1863, il y continua ses publications d'écrits de plus en plus marqués au coin de l'excentricité, faisant paraître successivement le Journalophage et L'Uniteur du monde visible et invisible, journal surnaturel, prouvant l'intervention de Satan dans le " spiri-satanisme ou évocation des esprits. " Mais ce qui attira surtout l'attention sur lui, pendant ses douze ou quinze dernières années, ce sont ses proclamations électorales, dans lesquelles il s'intitulait " candidat surnaturel, perpétuel et recommandé de Dieu ", et quelquefois, avocat des fous. Vers la fin du second Empire, on le vit en outre se prodiguer dans les réunions publiques, où il faisait des discours sur le socialisme, l'anti-monarchie et autres pareils sujets ; et, pendant le siège de Paris par les Prussiens (1870-71), il fut un habitué des clubs, où il ne se lassait pas de faire des propositions qui n'excitaient que le rire, entre autres celle de prévenir la famine dont on était menacé, en faisant manger toutes les personnes âgées de plus de 60 ans, lui le premier, proposition qu'il avait déjà faite du temps que la famine désolait l'Algérie (1868). Après la Commune, il sollicita les suffrages des Parisiens, comme il l'avait fait en 1863 et 1869, mais cette fois-ci, en qualité de " candidat conciliateur des partis, avocatcitoyen du peuple universel ; " et, {351}deux ans plus tard, ce fut comme " candidat évacuateur ", ayant publié dans l'intervalle une lettre pour démontrer que la " réconciliation-salut " est dans l'appel au peuple, y compris les femmes, avec la proclamation du comte de Chambord, d'accord avec le comte de Paris, comme souverain, et celle de Napoléon III comme archimonarque des peuples en un seul peuple. Après cela, Gagne préconisa la fondation, à Paris et ailleurs, de congrès sauveurs de femmes-messies, qui devaient comprendre en France " douze principales Jeannes Darc ", parmi lesquelles il comptait l'impératrice Eugénie, la comtesse de Chambord, la comtesse de Paris, Mme Thiers et Mme Gagne ; et cette proposition est, croyons-nous, la dernière de cet étrange personnage, qui mourut au mois d'août 1876, étant pour quelques-uns un mystificateur, pour d'autres un charlatan intéressé, alors que c'était tout simplement un détraqué, qui finit d'ailleurs fort pauvre.
Indépendamment de sa thèse pour la licence, qu'il soutint devant la faculté de droit de Paris, le 29 août 1835 ; de l'Unité, journal universel et Pantoglotte de l'avenir, qui eut 15 nos, du 1er octobre 1867 au 1er janvier 1869 ; des autres journaux dont nous avons parlé et de quantité de feuilles volantes intitulées : La Calembouriade, L'Expositionnide, L'Abdel-Kadéride, La Fatoumaide, etc., etc.
Paulin Gagne a publié les écrits suivants :
I. Le Suicide ou Cri de désespoir, poème dramatique. 1841, in-12 de 78 pages.
II. Le Martyre des rois, ode-élégie. 1842, in-18 de 102 pp.
III. Catastrophe du chemin de fer. 1842, in-8º de 24 pages.
IV. L'Océan des catastrophes, Poèmes 1843, in-12 de 250 pages.
V. Le Gagne-monopanglotte. 1843, in-8º de 64 pages, dans lequel il préconise une langue universelle devant remplacer toutes les autres, comme le volapük d'aujourd'hui.
VI. L'Empire universel, poème en 10 chants. 1843, in-8º de 200 pages.
VII. Voyage de Napoléon. 1852, in-8º.
VIII. L'Unitéide ou la Femme-Messie. 1858, in-8º de 726 pages avec 3 grav., qu'il adressa, dès le mois de septembre 1857, à Napoléon III, avec cette lettre dont l'original, sauvé de l'incendie des Tuileries en 1871, est aux mains de M. Ludovic Vallentin : " Sire, le plus grand poète, qui n'est pas décoré ! a l'honneur de présenter le plus grand poème, L'Unitéide, au plus grand souverain du monde. "
IX. A tout le monde. - Les Vendeurs du Temple et la Voix du salut. 1859, in-8º de 16 pp.
X. Tribut d'amour à M. Desgenettes. 1860, in-8º de 17 pp.
XI. L'Histoire des Miracles... Paris, 1860, in-8º de 47 pp. Brochure écrite au sortir de la maison de santé de Picpus, où l'on avait dû enfermer l'auteur à la suite d'un jeûne d'un an, qui l'avait rendu anémique et complètement fou. C'est une sorte d'autobiographie dédiée à Mme Gagne et contenant l'histoire de sa mort, les mémoires de sa vie miraculeuse, le bonheur du crucifiement et la preuve de l'intervention de Satan dans la tournomanie et les évocations aux esprits ou le spiritisme.
XII. Le Calvaire des rois. 1863, in-8º de 360 pp., dont la préface est une sortie furibonde contre l'école satanique, que représentent en littérature le romantisme et la fantaisie.
XIII. Le Congrès sauveur des peuples et des rois. 1864, in-8º de 100 pp.
XIV. La Grévéide. 1865, in-8º de 20 pages.
XV. La Luxéide. 1865, in-8º de 24 pages.
XVI. Le Supplice d'un mari. 1865, in-8º de 50 pp.
XVII. La Sataniade du spiriti-satanisme. 1868, in-8º de 8 pp.
XVIII. La Républiquéide-Empire-Royauté, seul gouvernement définitif de salut proclamé par le plébiscite sauveur et dirigé par le triumvir-salvat de Thiers ou de Hugo, ou du duc {352}d'Aumale ou de Gambetta et de Napoléon III et d'Henri V. (1872), in-8º de 16 pages.
XIX. La Guerriade, déesse de la guerre, poème épique de la guerre étrangère, civile, politique et morale, en 12 chants, avec dédicace, préface, prologue et épilogue. (1873), in-12 de 10 pp.
XX. L'Archi-monarquéide ou Gagne Ier, archimonarque de la France et du monde, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, poème-tragédie-comédie-drame-opéra épique en 5 actes et douze chants, avec chœurs, joué sur tous les théâtres du monde, précédé d'une préface et d'un prologue et suivi d'un épilogue. 1875, in-12 de 108 pp.
XXI. A tous les peuples et rois du monde : Exposition littéraire universelle, écrite et parlée. L'Expositionide, déesse des expositions, logoside-poème de l'Exposition de 1867... Paris, s.d., grand in-8º de 16 pp.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Paulin Gagne, dans le Journal de Montélimar du 1er avril 1882. - II. Le poète Paulin Gagne et ses publications excentriques, par Simon Brugal (Firmin-Boissin), dans Le Livre, nº de juin 1886. - III. Un Dauphinois. Paulin Gagne, d'après une publication récente. Grenoble, 1887, in-8º. - IV. Petits grands hommes de la Drôme, iv : Paulin Gagne. In-4º, avec portrait, reprod. d'autographes et caricatures, signé Marius Lety.
Quant aux charges auxquelles notre poète montilien a donné lieu, elles sont trop nombreuses pour que nous puissions les indiquer ici.
#Dict. des Pseud, 231. - Pet. rev. Dauph., i, 198. - Courr. Drôme, 8 févr. 1857. - Gazette du Midi, 27 août 1876. - La Scie, 29 sept. 1872. - Notes de MM. Perrossier et V. Collomb. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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