SERVE (Jean)
SERVE (Jean)), dit le Paulmier ou le capitaine Pomier, un des principaux chefs de l'insurrection qui ébranla le Dauphiné au temps d'Henri III, était un marchand drapier de Romans, né à Montmiral. Ayant été blessé d'un coup de feu dans une rencontre avec des maraudeurs huguenots, au mois de septembre 1575, il en était devenu populaire ; et, proclamé roi de l'Arquebuse, dans les premiers jours de 1579, c'est à cela qu'il dut d'être acclamé " capitaine-général ", pour nous servir des expressions de Piémond, quand cette insurrection éclata. Ce fut au commencement de 1579. Bon nombre d'habitants du Valentinois et du Bas-Viennois, exaspérés par l'augmentation continuelle des impôts et les excès de la soldatesque, ayant formé une ligue secrète dont les ramifications s'étendaient au loin, mais dont le foyer était à Romans, un millier d'artisans et de laboureurs envahit, tout à coup, la maison commune de cette ville, le 10 février, disant qu'il fallait revoir les comptes de ceux qui avaient manié les deniers publics ; puis, en ayant chassé les notables, donna les clés de la ville à Pomier, qui fut, en outre, investi de pouvoirs dictatoriaux. Or, celui-ci, qu'animait toujours l'esprit militaire, se proposa aussitôt de débarrasser la contrée d'un certain La Prade, chef de partisans doublé d'un bandit, qui, s'étant emparé quelque temps auparavant de la citadelle de Châteaudouble, était depuis lors l'effroi de la contrée. Pour cela, il convoqua les populations environnantes, et, quatre mille hommes s'étant rendus à son appel, il mit le siège devant Châteaudouble, le 1er mars. Instruit de ces événements, le lieutenant de roi Maugiron partit de Grenoble avec les quelques soldats dont il disposait et deux pièces d'artillerie, et, étant arrivé, à son tour, devant Châteaudouble, le 13 mars, adressa, dès le lendemain, " aux consuls des villes, mandements et communaultés du baliage de Viennoys ", une proclamation dans laquelle il donne à entendre que ceux qui se sont " assemblez en mellieur équipage de guerre que leur a esté possible, pour deslivrer ceste province des continuelles volleries et sacagements de La Prade, " l'ont fait avec son assentiment.
Ne pouvant imposer ses volontés par la force, il voulait au moins sauver les apparences, espérant d'ailleurs amener la foule, qui obéissait à Pomier, à rentrer dans le devoir, en paraissant approuver ses projets et lui prêtant son concours. Seulement, il se trompa ; car, La Prade s'étant enfui de son repaire aux premiers coups de canon, notre marchand de draps et ses adhérents, grisés par le succès, persévérèrent plus que jamais dans leur attitude, à tel point que, revenu à Romans avec eux, Maugiron ne put, en dépit de toute sa diplomatie, faire autrement que de reconnaître les pouvoirs du capitaine Pomier, s'en remettant à lui du soin de conserver la ville sous l'obéissance du roi et, qui plus est, lui laissant ses deux pièces d'artillerie, - attendu qu'en son absence, les Grenoblois s'étaient insurgés à leur tour, déclarant ne plus vouloir de soldats étrangers chez eux.
Devenu ainsi, presque officiellement, gouverneur de Romans, tout en {350}étant toujours le chef militaire de la ligue populaire, Jean Serve prit son rôle tellement au sérieux, que la reine Catherine de Médicis, qui revenait alors de Nérac, où elle était allée faire signer la paix au roi de Navarre, son gendre, étant arrivée à Romans, le 18 juillet suivant, accompagnée du cardinal de Bourbon, du prince de Condé, du secrétaire d'Etat Pinart et de beaucoup d'autres personnages, il ne manqua pas d'aller à sa rencontre avec une escorte et de lui faire une " sommaire harangue de bienvenue " ; impressionnant, du reste, à ce point la mère du roi, que celle-ci écrivait, le soir même, à son fils : " Je seray bien fort ayse de parler à luy, et vous diray que ledit Pomier a si grand credit et authorité parmi ces ligues, que, au moindre mot qu'il dict, il fait marcher tous ceulx de ceste ville et des environs ", - ce qui est en complète contradiction avec le portrait que fait de notre marchand de draps un mémoire contemporain, le donnant comme " homme d'aussy mauvaise fasson et grossier que les membres de la Ligue eussent sceu choisir, propre toutes fois à luy fère porter la marotte et exécuter ce que les entrepreneurs avoient intention, d'aultant qu'il n'eust rien sceu faire de luy et de son intention, et le repaissoient d'une vaine espérance de le fere grand. " Seulement, il faut bien dire que ce mémoire est de l'un de ces bourgeois que la foule chassa de l'hôtel de ville de Romans le jour où elle éleva Pomier sur le pavois, et que la bourgeoisie romanaise lui garda toujours d'autant plus rancune de cela, que, bien que tenant à elle par des liens de parenté, il inclina toujours du côté de ceux qui, reprochant à certains bourgeois de s'être malhonnêtement enrichis dans le maniement des deniers publics, demandaient que l'on revisât les comptes. C'est même là ce qui fut la cause de sa perte ; car certains, " guignant qu'il fallait restituer ", comme dit Piémond, achetèrent quelques-uns des partisans du marchand de draps, entre autres un " capitaine La Roche, cordier, qui avoit esté pour la Ligue à Châteaudouble, " et, avec leur aide, organisèrent un complot. Le soir du dimanche gras, 13 février 1580, pendant que la foule se pressait à l'hôtel de ville, où se donnait, pour la circonstance, un bruyant souper, suivi de danses et de mascarades, des hommes armés et masqués s'étant d'abord emparés des portes de la ville, se ruèrent ensuite sur les partisans de Pomier, dont ils tuèrent quelques-uns, blessèrent un plus grand nombre et firent prisonniers quarante-six des plus en vue. Quant à lui, comme il était tranquillement couché au lieu de prendre sa part de ces fêtes, un des conjurés, qui était une de ses connaissances, alla frapper à sa porte, demandant à l'entretenir d'une affaire pressante, et, dès qu'il parut, le tua d'un coup de pistolet.
Quelques jours après, une chambre du parlement de Grenoble, qu'escortaient de nombreuses troupes, était à Romans pour juger les vaincus, dont deux furent condamnés à mort, le 9 mars ; l'arrêt qui fut rendu pour cela portait, en outre, que " pour le regard dudict Jehan Serve, dict le Paulmier, ladicte Cour le declaire avoir esté crimineux de lèze majesté et chef des séditieux et rebelles, pour reparation du quel crime elle a condempné et condempne la memoyre dudict Serve, ordonne que son corps sera deterré et pendu par les pieds ez fourches patibulaires... et en cas que ledict corps ne pourroit estre trouvé, sera executé en effigie en ladite place de Romans, et encore adjugez au Roy tous les biens deslaissez par ledit Serve. "
Marié : 1º le 27 février 1560, avec Antoinette Thomé, et, 2º, le 20 novembre 1562, avec Marguerite Loyron, femmes qui appartenaient, l'une et l'autre, à de fort honorables familles, le capitaine Pomier ne laissa que deux filles, Monille et Eymonette, une de chaque lit.
{351}#Brun-Durand, Mém. d'E. Piémond, 38, 65, 78, 88, 97, 589. - Arch. de l'Isère, B, 2039. - Roman, La guerre des paysans. - Arch. Drôme, E, 3620 et 3743. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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