ROMAN DE FONROSA (Pierre-Michel-François)
ROMAN DE FONROSA (Pierre-Michel-François)), juge au tribunal révolutionnaire d'Orange, naquit à Die (Drôme), le 8 mars 1733. Deuxième fils de Paul Roman et de Jeanne-Thérèse Barnave, tante du constituant, il était l'arrière-petit-fils du procureur Daniel Roman, qui intervint, en qualité de consul de Die, dans la confection des règlements de l'académie protestante de cette ville, le 28 octobre 1604, et c'est pour se distinguer de son frère aîné, l'avocat Paul-Antoine Roman, qu'il avait ajouté à son nom patronymique celui du domaine de Fonrosa, sur Die, qui appartenait à sa famille. Pour le surplus, il fit ses études en l'université d'Orange, où il prit le grade de maître ès arts, le 18 mai 1763, et celui de bachelier, le lendemain, et où il obtint enfin la licence, le 22 septembre suivant ; après quoi il se fit recevoir avocat au parlement de Dauphiné, puis s'établit à Die, où son enthousiasme pour la Révolution le fit élire maire, le 14 mars 1790.
Huit mois et demi après (1er décembre 1790), Roman de Fonrosa devenait président du tribunal du district, et c'est vraisemblablement à la manière dont il remplit cette dernière charge qu'il dut d'être nommé, le 21 floréal an II, autrement dit le 10 mai 1794, sur la proposition de Payan, membre de la " commission populaire établie à Orange, pour juger les ennemis de la Révolution des pays environnants. " Mais, si dévoué qu'il fût à la cause de la Révolution, l'ancien président du tribunal de Die ne répondit pas aux espérances des terroristes ; car, le tribunal d'Orange ne fonctionnait encore que depuis huit jours, pendant lesquels il n'avait pas envoyé moins de soixante-six victimes à l'échafaud, que l'on demandait son changement, parce qu'il était esclave des formes ; et, dix jours après, le président de ce tribunal, Fauvéty, écrivant à Payan, lui disait : " La commission m'a coûté beaucoup de soins et de veilles pour l'organiser... Roman-Fonrosa et moi sommes ce qu'on appelle vulgairement les bardos de la commission. Il a fallu pendant longtemps tout voir et tout dicter... Enfin, la commission a pourtant rendu cent qua{324}tre-vingt-dix-sept jugements dans dix-huit jours... Ragot, Fernex et moi, sommes au pas ; Roman-Fonrosa est un excellent sujet, formaliste enragé et un peu loin du point révolutionnaire où il le faudrait. " Aussi Payan s'empressat-il de rappeler à son protégé que " les commissions chargées de juger les conspirateurs n'ont absolument aucun rapport avec les tribunaux de l'ancien régime, ni même avec ceux du nouveau ; " qu'" elles doivent se rappeler que tous les hommes qui n'ont pas été pour la Révolution, ont été, pour cela même, contre elle " ; ajoutant ensuite : " Tu as une grande mission à remplir : oublie que la nature te fit homme et sensible. Rappelle-toi que la patrie t'a fait juge de ses ennemis. Elle élèvera un jour sa voix contre toi, si tu as épargné un seul conspirateur ; et, dans les commissions populaires, l'humanité individuelle, la modération qui prend le voile de la justice est un crime. " Le pauvre Roman de Fonrosa répondit aussitôt à ces injonctions en s'excusant de ce qu'il avait cru devoir " faire une différence entre les coupables " et de ce que " la loi lui ayant servi dans tous les temps de guide..., il se figurait également que, dans la dispensation des peines, on ne pouvait s'écarter de la disposition des lois pénales " ; après quoi il faisait appel à l'amitié de Payan pour l'éclairer sur ce qu'il devait faire, s'il n'avait pas rempli les vues du Comité, attendu qu'il était " décidé à s'immoler pour tout ce qui pourra être avantageux à la patrie. "
Cette réponse de Roman de Fonrosa à Payan, dans laquelle on voit que tous les jugements rendus par le tribunal révolutionnaire d'Orange furent rédigés par lui, est du 30 messidor an II (18 juillet 1794). Un mois après, le renversement de Robespierre ayant entraîné celui des commissions populaires, celle d'Orange prit fin le 18 thermidor, après avoir condamné, en quarante-quatre séances, cent trente-deux personnes, dont trente-neuf femmes à mort, et cent seize personnes à la prison. Un mois plus tard, tous ses membres étaient arrêtés par ordre du représentant Goupilleau (de Montaigu), qui les fit conduire à Avignon, puis à Paris, d'où la Convention les renvoya devant le tribunal criminel de Vaucluse, le 5 juin 1795. Enfin, après neuf mois de détention et cinq jours d'interrogatoire, ils furent tous condamnés, et cet arrêt qui fut accueilli par la foule aux cris de : " Vive le Tribunal ! Vive la République ! Vive la Convention ! " fut exécuté le lendemain, 8 messidor an III (26 juin 1795), aux acclamations de la populace, qui jeta les cadavres des suppliciés au Rhône.
Moins implacable que les jurés de Vaucluse, l'histoire ne confond pas quand même Roman de Fonrosa avec d'autres membres du tribunal révolutionnaire d'Orange, Fauvéty et Ragot, par exemple ; car, tandis que ceux-ci étaient des hommes cruels, il n'était, lui, qu'un caractère faible, qui eût été un juge intègre dans un autre milieu et qui se laissa entraîner dans le tourbillon. On raconte même qu'il gémissait hautement, parfois, en voyant répandre tant de sang, et l'on sait, en outre, qu'il sauva plusieurs personnes arrêtées le 22 prairial, en les faisant retenir dans les prisons de Valence, sous prétexte que celles d'Orange étaient encombrées.
#Et. civ. - E.-B. Courtois, Rapport... sur les papiers de Robespierre, 388, 395, 396, 398. - Berriat Saint-Prix, La justice révol. dans les départ. - De Beaumefort, Le tribunal révol. d'Orange. - Bonnel, Les 332 victimes de la comm. popul. d'Orange. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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