POITIERS (Aimar)
POITIERS (Aimar VI de), dit le Gros, fils et successeur du précédent, n'entra, semble-t-il, à son tour, dans l'alliance française, que parce que le roi Philippe de Valois convint, au mois de juillet 1346, de lui continuer une rente viagère de 3,600 livres qu'il faisait à son père. En tout cas, cet engagement ayant été pris, il envoya, peu de temps après, au vaincu de Crécy un certain nombre d'hommes d'armes commandés par le seigneur de Veynes, son oncle, qui, tout aussi malheureux qu'à Auberoche l'année précédente, fut derechef battu et pris par les Anglais dès son entrée en Saintonge.
L'année suivante, ce fut notre comte lui-même qui répondit à l'appel du roi de France, lorsqu'il s'agit d'aller au secours de Calais assiégé ; car, il était avec ce prince à Amiens, le 20 {251}mai 1347. Seulement, il dut ensuite retourner d'autant plus promptement dans ses états, que toutes les vieilles querelles des Poitiers avec les évêques de Valence et de Die, à propos de Crest, s'étaient à ce point réveillées, que le seigneur de Claveyson, qui tenait pour le comte de Valentinois, ayant ravagé quelques terres épiscopales, au commencement de décembre de l'année 1346, l'évêque en fit autant à Charpey, terre du comte et que ce dernier ayant alors brûlé le bourg d'Alixan, le prélat exaspéré fit mettre de nuit le feu au village de Barcelonne, pour montrer à l'archevêque de Lyon, qui s'était avancé en médiateur jusqu'à Chabeuil, qu'il était homme à savoir se venger.
Grâce à l'intervention du pape, il y eut bien ensuite une trève, puis, les hostilités ayant été reprises, une seconde trève de six mois (mai-novembre 1347), pendant laquelle Aimar le Gros se rendit, ainsi que nous l'avons dit, auprès du roi Philippe VI ; mais ce n'est en fin de compte qu'après douze ans d'une lutte acharnée, qu'un dernier accord, scellant nombre d'autres arrangements, donna la paix au pays en attribuant aux comtes de Valentinois l'entière possession de Crest, l'évêque recevant, en retour de ce qu'il abandonnait, les châteaux de Bourdeaux et de Bezaudun, certains droits sur le Vercors et une rente annuelle de 200 florins.
Cet acte, qui est du 1er septembre 1357, constituait un triomphe pour Aimar VI, qui réalisa ainsi le rêve de plusieurs générations des siens, mais qui ne fut toujours pas moins aux prises avec de très grosses difficultés. Car, s'étant trouvé tellement à court d'argent, dès le commencement de son règne, qu'il lui avait fallu emprunter au pape la rançon de son oncle le seigneur de Veynes, il ne fit naturellement qu'augmenter sa gêne en guerroyant un peu partout, et c'est probablement là ce qui lui fit déserter un moment l'alliance française, à l'instigation de l'empereur Charles IV, allant jusqu'à faire arrêter un envoyé du roi de France, pour entraver les négociations qui devaient aboutir à la cession du Dauphiné au petit fils de ce prince.
Revenu ensuite à ses premiers errements, Aimar VI en fut récompensé par la charge de gouverneur de ce même Dauphiné, c'est-à-dire par une sorte de vice-royauté ; seulement, ses embarras financiers le firent alors se conduire de telle sorte, qu'étant intervenu dans le traité en date du 5 janvier 1355, par lequel le Faucigny fut cédé au comte de Savoie en échange de ce que possédait ce comte en deçà du Guiers, on l'accusa de s'être laissé corrompre ; d'où un long et coûteux procès devant le parlement de Paris, qui le condamna " à payer mille marcs d'argent au roy Charles et à luy restituer certains chasteaux qu'il avoit livrés au comte de Savoye pendant sa lieutenance. De quoy néanmoins le roy octroya absolution, par lettres du mois d'aoust 1368, moyennant la somme de 15,000 florins d'or, qu'il paya à sa Majesté. " Ce déboursé ne fit naturellement qu'aggraver sa situation et, pour comble, Hugues de Châlons, seigneur d'Arlay, qui le rendait responsable de certains dommages subis, s'étant emparé de lui dans un guet-apens, au mois de novembre suivant, ne le relâcha au bout de cinq mois de captivité, qu'après lui avoir extorqué différentes sommes s'élevant en total à 50,000 livres. Aussi, le malheureux Aimar VI dut-il aliéner quantité de biens pendant ses dernières années, notamment les terres et châteaux de Bouzols et de Fay en Vivarais, ceux de Marches et de Chantemerle en Valentinois, le péage de la Roche-de-Glun et les 500 livres de rente qu'il avait sur Aiguemortes. Enfin, à bout de ressources et sans enfant de son mariage avec Elips de Beaufort, nièce du pape Clément VI et sœur de Grégoire XI, qu'il avait épousée le 13 décembre 1344, Aimar le Gros, testa le 9 février 1373, insti{252}tuant héritier universel, sous réserve d'usufruit au profit de sa veuve, son cousin Louis de Poitiers, fils du seigneur de Veynes ; puis, vendit au pape, moyennant 30,000 florins et une portion de la terre de Montélimar, le haut domaine de toutes ses terres, pour lesquelles il lui fit hommage-lige, le 13 mars 1374.
#Biogr. Dauph., ii, - Du Chesne, 56. - Anselme, ii, 195. - Bull. d'archéol., xxix, 305 et 361 ; xxx, 28. - Chorier, Hist. gén., ii, 321. - C.-U.-J. Chevalier, Choix de doc., 177. - Valbonnais, ii, 539. - Froissart. - Arch. Isère, B, 2487 et 3249. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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