PAYAN (Claude-François)
PAYAN (Claude-François{222}), frère puîné du précédent, né à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 4 mars 1766, commença, dit-on, par être officier d'artillerie, mais je n'ai pu découvrir son nom dans l'Etat militaire. Quoiqu'il en soit, la Révolution ayant éclaté, il l'accueillit avec enthousiasme, se fit élire capitaine de la garde nationale de sa ville natale, en 1789, et devenu ensuite administrateur du district de l'Ouvèze, dont Carpentras était le chef-lieu et qui fit un moment partie de notre département, il y fut surtout " missionnaire ", pour nous servir des expressions de son frère aîné ; enfin, l'assemblée électorale qui fit choix des députés de la Drôme à la Convention (2-14 septembre 1792) et dans laquelle il représenta Carpentras, dont il se disait citoyen, l'ayant compris parmi les administrateurs du département, son enthousiasme s'en accrut, ainsi que le prouve le discours enflammé qu'il lut au conseil départemental le 11 novembre 1792. Seulement, il faut remarquer avec cela qu'il ne professait encore alors que des opinions modérées ; car, non content de flétrir dans ce discours les massacreurs de septembre, ceux qui disent qu'il " faut égorger les hommes qui n'aiment pas la Révolution ", il s'y élève contre les républicains qui ne respectent pas les lois auxquelles ils veulent soumettre les royalistes, et exhorte le Français à écouter ce que lui " conseillent les Roland, les Brissot, les Guadet, et les Vergniaud. " Mais il se mit tout à coup en opposition avec les Valentinois, le 19 mai 1793, en les accusant de croupir dans " une insouciance criminelle sur les dangers de la patrie ", ce qui le fit dénoncer par la municipalité, comme perturbateur du repos public ; et c'est probablement alors qu'il se rendit à Paris, où les hasards des luttes politiques l'ayant mis en contact avec Robespierre, dont il ne tarda pas à être le secrétaire, il s'éprit de lui à ce point qu'on a pu dire qu'il fut son idole et que, d'admirateur des Girondins il devint un fougueux Montagnard, un impitoyable terroriste, ce qui lui valut d'être appelé à faire partie du tribunal révolutionnaire de Paris. Nommé enfin agent national de la Commune, le 9 germinal an II, et mis en possession de ce poste le surlendemain, on le vit se féliciter hautement, cinq jours après, de ce que " Danton, qui depuis longtemps s'opposait à la marche de la Révolution ", Camille Desmoulins, qui s'était efforcé de ressusciter le modérantisme, " et beaucoup d'autres allaient tomber sous le glaive de la loi " ; ajoutant que " ces scélérats ont montré une audace, une insolence qui prouve leur lâcheté. " Puis ce furent les défenseurs officieux, c'est-à-dire les avocats, dont il demanda l'épuration, leur reprochant d'avoir défendu les contre-révolutionnaires ; et les défenseurs officieux ayant alors cessé de plaider, il déclara, le 26 germinal, qu'ils n'agissaient ainsi que parce qu'ils avaient " la conscience de leurs crimes ", et qu'ils devaient conséquemment " être réputés suspects " et arrêtés.
Rien, d'ailleurs, ne saurait mieux donner une idée de l'état d'âme auquel Cl.-F. Payan en arriva que ce fait, qu'ayant été le principal instigateur de l'établissement d'un tribunal révolutionnaire à Orange et Roman-Fontrosa (voir ce nom), un de ses amis, ayant été nommé, presque malgré lui, juge à ce tribunal, il ne manqua pas de lui tracer aussitôt sa ligne de conduite dans une longue lettre qui a été publiée plusieurs fois. Cette lettre est du 20 messidor an II et l'on y lit notamment : " Que les commissions chargées de punir les conspirateurs n'ont absolument aucun rapport avec les tribunaux de l'ancien régime, ni même avec ceux du nouveau. Il ne doit y exister aucune forme, la conscience du juge est là et les remplace... Elles doivent être des tribunaux politiques et se rappeler que tous les hommes qui n'ont pas été pour la Révolution ont été, par {223}cela même, contre elle... Tout homme qui échappe à la justice nationale est un scélérat qui fera, un jour, périr des républicains que vous devez sauver. On répète sans cesse aux juges : prenez garde, sauvez l'innocence ; et moi je leur dis, au nom de la patrie : tremblez de sauver un coupable... Il n'y a pas de milieu, il faut être totalement révolutionnaire ou renoncer à la liberte... Tu as une grande mission à remplir, oublie que la nature te fit homme et sensible. Rappelletoi que la patrie t'a fait juge de ses ennemis. Elle élèvera un jour sa voix contre toi, si tu as épargné un seul conspirateur, et dans les commissions populaires, l'humanité individuelle, la modération qui prend le voile de la justice est un crime. ... Choisis entre l'amour du peuple et sa haine, si tu n'as pas la force et la fermeté nécessaire pour punir des conspirateurs, la nature ne t'a pas destiné à être libre... " Et ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que cet homme, si étranger à l'esprit de justice, avait des mœurs. Un de ses collègues a raconté qu'il était arrivé plusieurs fois " à Payan d'entrer avec lui dans les boutiques de marchands de gravures et de les forcer à retirer celles dont les sujets obscènes sont propres à corrompre les mœurs ", et l'on ne voit pas qu'il ait prévariqué. Ce qui étonne moins, c'est qu'il ait été une des victimes du 9 thermidor. Dès le 27 messidor, il put, du reste, se rendre compte qu'il n'avait plus l'influence d'autrefois, même sur les membres de la Commune de Paris ; car, tandis que toutes ses propositions étaient auparavant adoptées avec un enthousiasme tenant du délire, on déclina, ce jour-là, celle qu'il fit d'empêcher ou tout au moins de surveiller les banquets patriotiques, parce qu'ils pourraient être le signal d'une " réconciliation perfide, " et que ce n'est que " lorsque l'aristocratie tout entière sera descendue au cercueil, que le peuple goûtera toutes les douceurs de l'égalité. " Aussi la Convention n'eut-elle pas plus tôt voté l'arrestation de Robespierre, de Couthon et de Saint-Just, que le nom de Payan fut prononcé. C'est Rovère qui le signala comme un des agents de Robespierre, ce qui était vrai, et comme ayant été " nommé par le département de la Drôme, pour aller fédéraliser avec le Midi ", ce que nous croyons faux. Arrêté le jour même, il fut guillotiné le lendemain avec vingt et un autres ; il était alors âgé de 28 ans.
Cl.-Fr. Payan, que l'on dit avoir écrit en prose et en vers, rédigea en tout cas : L'Anti-Fédéraliste ou les correspondants des sociétés populaires et de l'armée, journal inspiré par Robespierre, qui ne dura qu'un an (26 janvier 1793-30 nivôse an II), et l'on a encore de lui : I. Discours du citoyen Payan, administrateur du département de la Drôme, aux gardes nationales marseillaises, du 9 oct. 1792. Valence, s.d., in-4º de 3 pp. - II. Aux citoyens réunis en sociétés populaires. Valence, impr. J.-J. Viret, 1792, in-4º de 11 pp. - III*. Aux sans-culottes des campagnes, par un citoyen de la Drôme. Grenoble, J. Allier (1793), in-8º de 8 pp. - 2e éd., s.l., (24 juin) an II, in-8º de 16 pp. - IV. Adresse de la municipalité de Paris à la Convention nationale, dans la séance du 27 floréal, l'an second de la République. De l'impr. de la Com. exéc. de l'instr. publ., in-8º de 8 pp.
#Biogr. Dauph., ii, 226. - Rochas, Mém. d'un bourg., i, 266. - Réimpr. du Moniteur, xx, 88, 152, 154, 231, 377 ; xxi, 253, 339, 560. - Pap. trouvés chez Robespierre, 396. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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