OURCHES (Rostaing d'Eurre,)
OURCHES (Rostaing d'Eurre,{210} seigneur d'), homme de guerre du xvie siècle que les papiers du temps n'appellent jamais que " M. d'Ourches " et qui signait " Hourche ", était l'arrière-petit-fils d'Antoine d'Eurre, seigneur du Puy-Saint-Martin, et de Marguerite Berlhon, dame d'Ourches ; le petit-fils d'Aimar et de Blanche Adhémar, dame en partie de St-Gervais, et le fils de Giraud, qui acquit des autres seigneurs de Saint-Gervais, leurs droits sur cette terre. Vraisemblablement né dans ce dernier lieu, qui fut ensuite sa résidence la plus ordinaire, Rostaing d'Eurre épousa, le 15 juin 1571, Laurence de Simiane, fille de Bertrand-Raimbaud, baron de Gordes, lieutenant de roi en Dauphiné, et, par cela même devint d'autant plus facilement un personnage, dans la province, qu'il était personnellement à la hauteur des tâches les plus difficiles. Ainsi était-il déjà, croyons-nous, chevalier de l'ordre du roi, gentilhomme de la chambre et colonel des bandes du Dauphiné, quand son beau-père, dont on connaît la noble conduite à l'époque de la Saint-Barthélemy, lui manda de Moirans, le 28 août 1572, de se rendre à Montélimar pour y maintenir la tranquillité. En tout cas, ayant assemblé le conseil de cette ville le 31, il lui dit n'être " venu a aultre fin que pour maintenir les choses en paix, faire faire en sorte que nul, soit de la religion ou aultrement, ayt occasion de recepvoir aulcun dommage " ; et les Montiliens s'associèrent d'autant mieux à cette expression de sentiments que, quoi qu'en dise Chorier, la Saint-Barthélemy n'eut pas le moindre écho à Montélimar ; c'est aujourd'hui prouvé. Dix jours après, d'Ourches était reconnu gouverneur en titre de cette ville, au lieu et place de Dorgeoisela-Tivolière, envoyé à Valence, et le surlendemain la ville s'engageait à lui donner pour son " estat " ou traitement, 100 livres par mois et quelques pièces de vin chaque année, ce qui n'empêcha pas notre capitaine d'aller guerroyer au dehors, lorsqu'il eut remis sur pied la garde bourgeoise et ravitaillé le château. Il paraît même qu'il ne revint à Montélimar qu'au printemps de 1574, c'est-à-dire quand Montbrun révolté menaça tout à fait cette ville ; mais il prouva alors, en revanche, qu'il savait être impitoyable au besoin. Car, un complot tendant à livrer la ville à ce dernier ayant été découvert au mois d'avril, il fit " pendre et estrangler aulcuns harquebusiers " pour cela ; et, justice faite, il se préoccupa exclusivement de défendre la place jusqu'au mois de juin 1575, date à laquelle de Gordes, qui se trouvait alors à Valence, ayant appris que Montbrun assiégeait Châtillon-en-Diois, petite place occupée par les catholiques, emmena son gendre avec lui au secours des assiégés, ce qui se fit sans encombre. Seulement, au retour (13 juin), le lieutenant de roi, dont les troupes étaient composées en grande partie de Suisses, essuya, près du pont d'Oreille, une telle défaite qu'il dut se réfugier en toute hâte dans la ville de Die, pendant que d'Ourches et quelques autres allaient à Romans, par la vallée de la Drôme ; en revanche, Montbrun ayant voulu barrer le passage à ceux-ci, au lieu maintenant appelé Blacons, ils le mirent non seulement en déroute, mais le firent prisonnier le 9 juillet. Bien mieux, c'est à d'Ourches lui-même, dont il appréciait le noble caractère, que le fameux chef huguenot se rendit, et le grand regret du vainqueur fut ensuite de ne pouvoir sauver la vie au vaincu, après la lui avoir promise. On sait, en effet, que Montbrun paya sa révolte de sa tête, le 13 août suivant.
Or, l'une des conséquences de cette mort fut une recrudescence de la guerre civile, et l'on peut se faire une idée de la situation qui en résulta pour d'Ourches, retourné seul à Montélimar, par ce fait qu'il dut avouer, le 20 septembre, au conseil de cette ville que, si la garnison protestante de {211}Livron, qui ravageait auparavant la campagne jusqu'aux portes, de la ville, épargnait les Montiliens depuis quelque temps, c'est qu'il avait obtenu d'elle une trève, moyennant 100 charges de vin et 100 setiers de blé ; mais que cette trève ayant pris fin la veille, on avait déjà fait pour plus de 3,000 écus de ravages au quartier du Bois-de-Lau, et que, dans de semblables conditions, il se retirerait, si on ne lui fournissait les moyens d'avoir quelques soldats, pour protéger au moins la banlieue. De cette déclaration s'ensuivit la promesse d'un subside mensuel de 600 livres pour l'entretien de 30 cavaliers.
Trois mois et demi après (4 janvier 1576), de Gordes, qui ne tenait que difficilement tête aux huguenots dans le Haut Dauphiné, mandait aux consuls de Romans et de Valence d'obéir à " M. d'Ourches ", comme à lui-même, ce qui veut dire qu'il s'en remettait complètement à son gendre du soin de maintenir l'autorité royale dans le Valentinois et le Bas Viennois, tâche d'autant plus difficile que, ne disposant que de forces tout à fait insuffisantes, il devait se tenir soigneusement renfermé dans les villes. Et c'est probablement à cause d'une aussi énervante situation qu'il voulut accompagner son beau-frère Montoison à l'armée du roi, au commencement de mai 1577, ainsi que le prouve une lettre de recommandation écrite par de Gordes au duc de Nevers, le 1er de ce mois. Mais il est certain, en tout cas, que d'Ourches ayant obtenu, pour Montélimar, une compagnie de cavalerie nourrie aux frais de la province, resta dans cette ville ; car, on le voit battre un corps de huguenots commandé par Blacons, près d'Ancone, le 8, et déblayer si bien, ensuite, les environs que, les huguenots du Vivarais ayant mis le siège devant le château de Crussol, au mois de juillet suivant, c'est d'Ourches qu'on chargea de dégager cette place. Et de fait, il surprit à ce point les assiégeants qu'il leur tua 200 hommes et fit 10 ou 12 prisonniers, ne perdant lui-même que 3 soldats. C'était le 28 juillet. Blessé quelques jours après dans une rencontre, non loin de Livron, le gendre de de Gordes mourut à Montélimar, le 30 août 1577 (et non en 1596, comme le dit Rochas), et le lendemain on l'enterra dans l'église de Sainte-Croix, auprès de son beau-frère Gaspard de Simiane, seigneur de Laval, tué deux ans auparavant.
De son mariage avec Laurence de Simiane, Rostaing d'Eurre ne laissa qu'une fille, Guyonne ou Guigonne, qui, ayant épousé en 1595 Jacques de Moreton, seigneur de Chabrillan, lui apporta une fortune d'autant plus grande qu'en récompense des services à lui rendus par le seigneur d'Ourches, le roi Henri III abandonna à ses " hoirs ", pendant neuf années, sa part des revenus du péage de Montélimar évaluée 1,270 écus par an, soit environ 30,000 livres d'aujourd'hui. Et pour se faire une idée des mœurs du temps et de ce que furent la plupart des hommes de guerre de la seconde moitié du xvie siècle, qu'il nous suffise de rappeler que d'Ourches, qui passe à juste titre pour l'un des plus honnêtes, ne craignit pas d'exiger des Montiliens, le 5 mars 1575, une obligation de 2,500 livres, " en récompense des peynes qu'il avoit prises pour eux, les ayant soullagés de beaucoup de folles et garnisons ". Seulement, il faut reconnaître aussi que le même d'Ourches, mourant, fit remise de cette somme aux Montiliens.
#Biogr. Dauph., ii, 464. - De Coston, Hist. Mont., ii, 637-380. - D'Aubais, Pièces fug., 161, 199, 334. - Mém. Piémont, 35, 46, 49, 53. - Chorier, Hist. gén., ii, 682. - Bull. d'archéol., viii, 440 ; x, 38. - Arch. Valence, BB, 9. - Arch. Isère, B, 3384. - Roman, Doc., 261. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
OLLIVIER (Marie-Félix).htm <-- Retour à l'index --> PACIUS (Jules).htm