MÉVOUILLON (Raymond de)
MÉVOUILLON (Raymond de)), fils puîné de Raymond II, baron de Mévouillon, et conséquemment oncle du précédent, fut un des hommes les plus illustres de l'ordre de Saint-Dominique, dans lequel il fit profession en 1256 ; mais c'est bien à tort que la plupart des biographes le font naître près de Sisteron, attendu qu'il y a tout lieu de croire qu'il naquit au Buis, si ce n'est à Mévouillon même, vers 1235. Ce qui a pu tromper ses biographes, c'est qu'il prit l'habit religieux dans le couvent de la Baumelès-Sisteron, dont il devint bientôt prieur et qui fut toujours sa maison de prédilection. En tout cas, devenu dominicain, les chapitres généraux de l'ordre l'élurent successivement prédicateur général en 1264 ; associé au provincial, puis adjoint au définiteur en 1267 ; enfin, définiteur en 1270. Car, telle était dès ce temps-là son importance personnelle, que le cardinal{143}évêque d'Ostie, Henri de Suze, fameux jurisconsulte qui avait été auparavant archevêque d'Embrun, mourant en 1278, légua aux Dominicains une fort belle bible ornée de miniatures d'or et d'azur, qu'il avait achetée à Paris, sous condition qu'elle serait exclusivement à l'usage de frère Raymond de Mévouillon pendant sa vie, et que certains religieux établis en Angleterre, ayant été accusés de déserter les doctrines de saint Thomas, c'est lui qu'on envoya dans ce pays, en 1278, pour y faire les enquêtes nécessaires, - mission délicate dont il rendit compte dans le chapitre général tenu à Paris au mois de mai de l'année suivante. Il est donc tout naturel que les chanoines de Gap, ayant à faire choix d'un évêque, aient jeté les yeux, comme ils le firent trois ans plus tard, sur un religieux d'un semblable mérite. Seulement Raymond de Mévouillon déclina tout d'abord si formellement cette charge, qu'il ne fallut rien moins qu'un ordre du pape Martin IV pour la lui faire accepter. La bulle qui le constate est du 13 juin 1282.
Or, devenu évêque de Gap sans cesser d'être religieux, Raymond de Mévouillon joua aussitôt un rôle considérable dans cette ville et dans la région ; car, après avoir obtenu le 29 mars 1283, du fils du comte de Provence, alors appelé prince de Salerne et prisonnier du roi d'Aragon, la restitution d'une moitié de la juridiction de la ville de Gap, à lui cédée, douze ans auparavant, par l'évêque Othon, il fut assez heureux pour amener la délivrance de ce prince, dont il paraît avoir été ensuite un des conseillers. Mais, contrairement à ce qu'avancent différents auteurs, Rochas entre autres, ce n'est que le 24 juin 1289 que le comte de Provence, Charles II, se désista en sa faveur de tous les droits acquis par son père et lui des prédécesseurs de l'évêque sur la ville de Gap, sous condition de restituer, à son tour, aux habitants de cette ville les droits confisqués sur eux, dès qu'ils lui auraient donné satisfaction à propos des injures et des violences dont ils s'étaient rendus coupables vis-à-vis de lui. Ajoutons que Raymond de Mévouillon fut un des médiateurs chargés par bref pontifical, du 13 juillet 1286, de terminer les différends existant entre Guillaume de Valence, archevêque de Vienne, Louis de Savoie et Guillaume de Sassenage, évêque de Grenoble. L'on a, en outre, toute une série de bulles en date du mois de juillet 1289, par lesquelles le pape Nicolas IV autorise notre prélat : 1º à nommer de sa seule autorité un chanoine de sa cathédrale ; 2º à créer des notaires apostoliques et épiscopaux ; 3º à percevoir pendant un an les revenus des églises et bénéfices vacants dans son diocèse, pour l'aider à reconstruire sa cathédrale ; 4º à faire faire, par procureur, la visite de son diocèse, tout en percevant quand même le droit de procuration ou de visite, à cause des dettes par lui contractées pour aider à la délivrance du comte de Provence ; 5º enfin, à disposer, quoique religieux, des biens qu'il pouvait avoir acquis pendant son épiscopat. Deux mois et demi plus tard (4 octobre 1289), le même pape enjoignait à Raymond de Mévouillon d'accepter l'archevêché d'Embrun auquel il avait été élu dans d'assez singulières conditions ; car le chapitre de cette métropole s'en étant d'abord remis à Jacques Raymond, l'un des chanoines, qui était aussi prévôt de Sisteron, du soin de désigner le nouvel archevêque, celui-ci avait fait choix du sacristain Guillaume Abrivat, et ce n'est qu'à la suite de ce choix, contre lequel s'éleva le chapitre, que Raymond de Mévouillon fut élu par ce dernier.
Archevêque d'Embrun, Raymond de Mévouillon, qui était, paraît-il, un prélat tout paternel, commença par demander au pape, qui la lui accorda, la grâce de nombreux prêtres de son diocèse, excommuniés ou interdits à cause de leur ignorance du droit ca{144}non (9 novembre 1289), et nous le voyons ensuite (2 mai 1290), affermer les mines d'argent de Châteauroux à certains ouvriers, sous la redevance d'un douzième. Le 13 juillet 1292, il approuva la donation que la dauphine Anne et son mari Humbert firent à leur fils Jean, comte de Gapençais, de tout le Dauphiné, pour l'avoir après leur mort ; et, le 18 avril 1293, il unit l'abbaye de Sainte-Croix de Châteauroux et l'église de Beauvoir-sur-St-Sauveur à l'abbaye de Boscodon. Enfin, le 13 mai 1294, il fit, conjointement avec le dauphin Humbert I, une ordonnance touchant la monnaie qu'ils se proposaient de faire frapper en commun ; après quoi il se rendit à Montpellier pour assister au chapitre général de l'ordre de Saint-Dominique, qui s'ouvrit le 7 juin 1294, et c'est en revenant de cette ville qu'il mourut au Buis, le 28 juin. Conformément à ses volontés, ses restes furent transportés à la Baume-lès-Sisteron, dans l'église du couvent des Dominicains, où son tombeau se voyait encore avant la Révolution.
Savant théologien, ce prélat, qui avait appris lui-même l'hébreu, suivant le témoignage de V. Le Clerc, composa plusieurs ouvrages dont il ne reste qu'une traduction grecque inédite, datée du château de Mévouillon le 19 juillet 1292, - ce qui permet de supposer qu'elle est de lui, - dont le manuscrit fait partie de la Bibliothèque impériale de St-Pétersbourg et dont voici les titres d'après le catalogue de cette bibliothèque :
I. Du moyen de vivre chrétiennement. - II. La charité chrétienne et ses quinze signes. - III. Tableau de la vie spirituelle. - IV. Discours ascétique et vision d'une abbesse. - V. Les éléments de la foi catholique. - VI. Réponses à ceux qui prétendent que l'Ecriture sainte ne doit être lue ni par les enfants ni par les laïques. - VII. La philosophie catholique et chrétienne, discours et 24 canons. - VIII. Règles pour discerner les vrais et les faux prophètes. - IX. Sur le mystère de la sainte Trinité.
#Biogr. Dauph., ii, 143. - Lacroix, L'Arr. de Nyons, i, 140 et 403. - Valbonnais, ii, 105. - Echard, Script. ord. prœd, i, 434. - Touron, Hommes ill. ord. Saint-Dominique, 560. - Fisquet, Fr. pont., arch. d'Embrun, 885. - Gallia christ., iii, 1082, et instr., 179. - Fornier, Hist. Alpes marit., éd. Guillaume, ii, 76. - J. Roman, Tableau hist. Hautes-Alpes, ii, 114, 115, 119, 121, 122, 123, 124, 126, 127 et 129. - Catal. bibl. impér. Saint-Pétersbourg, vol. 24-25. - Hist. litt. de la Fr., xx, 260.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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