LAFFEMAS (Barthélemy de)



LAFFEMAS (Barthélemy de)), contrôleur général du commerce et des manufactures sous Henri IV et l'un des hommes qui contribuèrent le plus au relèvement industriel et commercial de la France au lendemain des guerres de religion, était de Beausemblant, près Saint-Vallier, où il naquit, non en 1558, comme le prétendent certains biographes, mais en 1545, ainsi que cela résulte de la légende d'un de ses portraits, qui le dit âgé de 53 ans en 1598. Quant à sa famille, à laquelle appartenaient un Antoine de Femata, laboureur, habitant Fay, en 1461, et Ginon ou Junonon, Gonet et Claude de Femata, autres laboureurs, établis à Beausemblant en 1521, elle était, on le voit, des plus modestes, et c'est d'autant plus à tort que l'on nomma quelquefois son père Isaac " sieur de Beausemblant ", que la seigneurie de ce lieu appartenait alors, depuis fort longtemps, aux Montchenu, illustre famille qui ne s'en dessaisit qu'en 1666. De même il n'est pas vrai qu'il fut baptisé protestant, et cela pour l'excellente raison qu'il n'était pas encore question de la Réforme dans notre contrée en 1545.
On ne sait rien, du reste, des commencements de Laffemas, sinon {52}qu'ayant appris dans son village le métier de tailleur d'habits, il courut le monde pour se perfectionner dans ce métier, et qu'étant arrivé à Pau, en 1566, il trouva moyen d'entrer chez le roi de Navarre, en qualité de chaussetier de l'écurie du prince de Béarn, son fils, le futur Henri IV, ce qui explique facilement sa conversion au protestantisme. Devenu ensuite tailleur de ce prince et, par cela même, tailleur de sa cour, les besoins de cette clientèle lui firent nouer des relations avec quantité de marchands et de fabricants de la France et de l'étranger, et la charge de valet de chambre du roi, " à vingt livres de gages par an ", qu'il obtint ensuite, aida naturellement beaucoup au développement de ses affaires, qui prirent enfin une extension considérable quand le roi de Navarre, son maître, eut hérité de la couronne de France. Car, ce prince l'ayant emmené avec lui à Paris, Laffemas, tout en restant " premier tailleur et varlet de chambre ordinaire " du roi, ouvrit alors boutique rue de la Vieille-Monnaie, à l'enseigne de la Pomme d'Or, et là son importance commerciale prit aussitôt de telles proportions, que la boutique d'argenterie du roi, autrement dit le magasin dans lequel ce prince, sa famille et les courtisans se fournissaient de toutes sortes de choses en métaux précieux, depuis la vaisselle jusqu'aux broderies d'or et d'argent, ayant été mise en vente, en 1591, il l'acheta et, qui plus est, emprunta pour ce l'énorme somme de 200,000 écus, dont il ne devait plus que 1,500, dix ans après.
On peut juger, d'après cela, des bénéfices que réalisa notre tailleur et du crédit dont il jouissait, ce qui ne manqua pas naturellement d'exciter la jalousie et de l'exposer à des attaques, auxquelles il répondit bravement en mettant quiconque au défi de prouver qu'il eût fait perdre un écu à quelque marchand ; et, s'il est vrai, comme on l'a dit, qu'en 1629, le dénonciateur général de la Chambre de justice, Jean Bourgoin, accusa un Laffemas " d'artifices, fourberies, faux et prévarications ", n'oublions pas qu'il s'agit d'Isaac et non de Barthélemy Laffemas, du fils et non du père. Les biographes ont confondu et, dans tous les cas, ce n'est pas à cause de sa grosse et rapide fortune que notre Dauphinois mérite d'attirer l'attention, mais bien à cause des nombreux services qu'il rendit à la chose publique. Amené par la nature de ses affaires à se rendre compte de l'infériorité dans laquelle nous étions tombés sous le rapport industriel et commercial, il se préoccupa aussitôt, en effet, des moyens d'y porter remède, et tant et si bien que le roi qui eut incontestablement le plus de souci de la prospérité matérielle de la France ayant invité, en 1595, tous les hommes compétents à lui faire part de leurs vues à ce sujet, Laffemas lui soumit sur-le-champ tout un ensemble de mesures ayant pour point de départ l'interdiction d'importer chez nous des étoffes de soie, d'or ou d'argent, et pour but de mettre l'industrie nationale à même de suffire à tous les besoins de la consommation du pays, - demandant, entre autres choses, que l'on créât, dans chaque ville importante du royaume, une Chambre de commerce, un grand bureau de manufactures, qui a pu donner l'idée de nos conseils de prud hommes, et des ateliers pour les ouvriers sans travail ; préconisant en outre le groupement des gens de même métier, à ce point qu'on a pu dire, à propos des syndicats professionnels, que " les vœux des gens compétents qui s'occupent de ces questions aujourd'hui, ne vont pas au-delà de ce que demandait Laffemas. "
Toujours goguenard, le Béarnais ne manqua pas de dire, en recevant le mémoire de notre homme, qu'il voulait que " doresnavant ses chanceliers lui fîssent ses chausses, puisque son tailleur faisait des livres " ; mais il ne saisit pas moins toute la valeur des observations de ce tailleur-là, et si bien, que l'assemblée des notables de Rouen, devant qui Laffemas dut {53}ensuite développer ses propositions, ayant trouvé celles-ci trop audacieuses, le roi la satisfit en donnant l'édit d'avril 1597, qui tendait à réorganiser l'industrie par le moyen des maîtrises, mais accorda, par contre, à Laffemas, le privilège exclusif de publier " toutes remonstrances et mémoires parlant du commerce et traffique des marchandises, ouvrages et manufactures, pour les établir dans le royaume, pour le bien d'iceluy. "
Devenu ainsi le porte-parole officiel des industriels et des commerçants français, Barthélemy de Laffemas ne se contenta pas de faire imprimer le mémoire qu'il avait présenté au roi, puis à l'assemblée de Rouen, et de publier, en outre, quelques petits écrits dans lesquels il développe et défend avec une vigoureuse logique certaines de ses idées prises isolément, allant parfois jusqu'à traduire sa pensée en vers pour la mieux faire comprendre ; mais, témoignage irrécusable du désir qu'il avait de s'éclairer lui-même, réunit plus d'une fois différents corps de métiers de Paris pour leur exposer ses projets et leur demander leur avis. Bien mieux, une commission chargée de " vacquer au restablissement du commerce et des manufactures dans le royaume et dilligemment examiner les remonstrances et autres mémoires " par lui présentés au roi, ayant été instituée par lettres patentes du 13 avril 1601, il en prévint aussitôt le public dans un de ses écrits, ajoutant que " tous amateurs du peuple pourront apporter mémoires et instructions pour adiouster, augmenter ou diminuer sur les advis et remonstrances de l'autheur, à son logis, ruë de la Vieille Monoye, à l'enseigne de la Pomme d'Or, pour le tout estre mis devant les commissaires " ; et l'on comprend facilement l'effet que de semblables procédés, joints à ses fréquentes publications durent produire sur l'opinion publique en France. En dépit de l'opposition des gros négociants, ceux de Lyon surtout, dont les relations avec l'étranger étaient des plus fructueuses pour eux, ses idées se répandirent ; dès 1559, vingt communautés des marchands de Paris les approuvaient et l'on peut dire enfin que Laffemas s'appuyait sur la masse des petits et des moyens fabricants et marchands lorsqu'il développa ses projets devant la Commission chargée de les étudier.
Or, ces projets sont d'autant plus connus que leur auteur les a résumés dans ses Remontrances en forme d'édit, écrit des plus substantiels, qui fut imprimé avec les lettres patentes du 13 avril 1601, sous le titre de : La Commission, édit et partie des mémoires... proposés par Laffemas ; et l'on est vraiment émerveillé, en lisant ce résumé, de l'ampleur des vues et, disons le mot, du génie organisateur et réformateur de celui que le roi Henri IV recommandait, dix-sept ans auparavant (janvier 1584), au sieur d'Escorbiac, comme " pauvre artisan de la R. P. R. du mestier mécanique de tailleur d'habits " ; car, il n'y a presque pas de question intéressant le commerce et l'industrie à laquelle il ne touche, et le seul reproche à lui faire, c'est d'émettre ses idées au fur et à mesure qu'elles germent dans son cerveau, sans se préoccuper de les rattacher entre elles par un lien quelconque. Ne lui demandez rien de synthétique ni de doctrinal, attendu qu'il n'est qu'un homme pratique, peu soucieux de la forme, mais qui voit loin et presque toujours juste. Suivons-le, du reste : il voulait d'abord qu'on prohibât, non seulement l'importation des étoffes de soie, d'or et d'argent, mais encore celle des draperies, cuirs dorés et façonnés, gants, fers, aciers, cuivres, laitons, montres, horloges, meubles, ornements et vêtements de toute sorte venant de l'étranger ; puis, que toutes les douanes intérieures qui entravaient la circulation fussent supprimées et qu'on les remplaçât par un impôt d'un sou par livre sur toutes les denrées et marchandises, celles{54}ci devant être visitées, marquées et plombées par les maîtres jurés de chaque métier. Ensuite, son programme portait interdiction d'exporter toutes matières premières ; obligation pour les fabricants de draps de les faire marquer de 12 en 12 aunes, afin d'éviter la fraude ; obligation pour les teinturiers de mettre leur marque sur les étoffes par eux teintes ; défense aux fabricants d'étoffes de soie et de laine de vendre autrement qu'à pièce entière, pour favoriser le commerce de détail ; suppression des visiteurs et marqueurs de cuirs, ceux-ci devant circuler librement une fois marqués et les droits acquittés ; élaboration par hommes compétents d'un règlement pour le commerce maritime ; permission à tous marchands et négociants d'emprunter jusqu'à huit et demi pour cent et pour trois ans au plus, par contrats ; permission d'escompter les lettres de change moyennant commission, mais défense de répéter cette commission, en cas de non payement ; suppression des courtiers de change, à cause des abus ; condamnation des banqueroutiers frauduleux et de leurs complices à la peine de mort, comme larrons publics ; séparation de biens entre époux, gens de commerce interdits, sauf après information faite par dix notables, marchands non suspects ; affectation au désintéressement des créanciers, des biens dotaux, quand la femme aura participé aux fraudes de son mari ; défense aux marchands, ayant emprunté de l'argent ou des marchandises, de vendre celles-ci autrement qu'au comptant et, en cas d'impossibilité, faculté pour eux de payer leurs créanciers avec des marchandises ; autorisation aux possesseurs de biens fonds d'emprunter sur la valeur de ces biens sans caution ; unité des poids et mesures ; défense d'employer de l'or ou de l'argent pour passements, étoffes, boutons et autres ornements, pour d'autres que pour le roi ; obligation pour tous propriétaires, notamment pour les nobles et gens d'église de faire planter des mûriers dans leurs terres et le long des routes les limitant ou les traversant ; autorisation d'importer, pendant six ans, les soies écrues ou étrangères en payant les droits ; naturalisation sans frais de tous ouvriers étrangers, après trois ans de séjour, ceux qui apporteraient de nouvelles inventions étant admis sans délai ; création d'un contrôleur général pour la visite et le plombage des marchandises, le sou par livre d'impôt devant être perçu par les receveurs des aides ; création d'un surintendant du commerce et d'un conseil composé de 12 membres pris dans le Conseil du roi, le Parlement, la Cour des comptes, etc., pour veiller à la police du commerce ; élaboration par douze notables bourgeois, anciens marchands, d'un règlement pour les marchands, corps et communautés de Paris ; application de ce règlement à tout le royaume et même aux marchands et artisans de la cour ; suppression des maîtrises, ailleurs que dans les villes où se feront la visite et marque des marchandises ouvrées ; défense d'accorder des maîtrises de faveur à autres que des personnes capables ; permission aux douze bourgeois, chargés d'élaborer le règlement de Paris, de modifier les statuts des arts et métiers relatifs aux apprentis ; taxe des salaires des serviteurs par les gardes et jurés qui surveilleront leur conduite, admonestant les débauchés, les joueurs et les ivrognes. Les mêmes gardes et jurés entendront les plaintes portées contre les patrons tenant boutique et tâcheront d'arranger le différend, faute de quoi, ils renverront les parties au juge ordinaire à qui ils feront connaître leur avis par écrit. Enfin, il y a des articles concernant la suppression de certaines matières ; la vente des pierreries et de l'orfévrerie, qu'il voulait que l'on réservât aux orfèvres jurés ; la défense de s'autoriser pour autre chose que l'élection des maîtres, gardes et jurés de métiers, sans autorisation de justice, et surtout la création d'ateliers {55}pour les pauvres, les vagabonds et les débauchés dans chaque capitale de province, l'extinction de la mendicité étant un des points auquel tenait le plus Laffemas.
De toutes ces propositions, la Commission instituée le 13 avril 1601, et complétée le 10 juillet suivant, n'accepta que celles qui avaient trait au commerce ; mais le roi, qui goûtait de plus en plus les idées de son tailleurvalet de chambre, ayant établi à la place de cette commission un Conseil du commerce, dont la présidence fut attribuée à Laffemas, avec le titre de contrôleur général du commerce et des manufactures, par lettres du 5 novembre 1602, ce conseil, dont les travaux sont empreints de l'esprit investigateur et primesautier de son président, s'occupa de beaucoup d'autres choses encore dans ses 176 séances, dont la dernière eut lieu le 22 octobre 1604, - par exemple, des haras, des tapis de Turquie, de la fabrication de toiles et de cordages avec l'écorce des mûriers, des tuyaux de plomb pour fontaines, des satins et damas de soie, du prix des vivres, de l'impôt foncier, de l'assainissement de Paris, d'un canal de jonction de l'Océan à la Méditerranée, de la navigation de la Seine, etc., etc. ; et, si l'on s'en tient aux résultats, il faut reconnaître qu'il favorisa l'établissement en France de commerçants étrangers, la navigation de l'Oise, l'art de battre et de filer l'or, la fabrication de l'acier, nouvellement découverte par Camus, celle des crêpes fins et celle des tapisseries en cuirs gaufrés et dorés, la restauration de l'art oublié du verrier, par des Italiens, enfin l'établissement de moulins tranchants, de martinets, de tuileries et de bluteries.
A Laffemas, exclusivement, on doit encore ou à peu près la fondation de la manufacture des Gobelins, pour laquelle il fit venir, en 1603, des ouvriers de Flandre, et nous n'en finirions pas si nous voulions énumérer, un à un, tous les progrès accomplis grâce à son initiative ou à son concours, et dont on pourra, du reste, se faire une idée en voyant les titres de ses nombreuses publications. Mais ce qu'il importe surtout de rappeler, c'est qu'il doit être considéré comme le père de l'industrie séricicole en France, alors qu'on décerne presque toujours ce titre à l'illustre Ardéchois, Ollivier de Serres. Ayant pu constater que six millions, au moins, de notre numéraire, passaient chaque année à l'étranger pour l'achat de soies ou de soieries, il voulut nous affranchir de ce tribut et, pour cela, prôna de bonne heure la culture du mûrier, qui n'avait pas encore eu de succès auprès des cultivateurs, mais dont l'introduction en France est évidemment antérieure à 1494, quoi qu'on en dise, puisqu'il est établi qu'en 1345, le sénéchal de Beaucaire acheta douze livres de soie de Provence, à Montpellier, pour Jeanne de Bourgogne, et que le roi Louis XI fit planter des mûriers en Touraine. Mieux que cela, il obtint, en 1596, du roi Henri IV, qu'on plantât de ces arbres dans le jardin des Tuileries, et ce n'est que pour appuyer les idées de Laffemas, un moment mises en échec auprès de ce prince, que le grand agronome Ollivier de Serres publia, trois ans après, son traité de La cueillette de la soye par la nourriture des vers qui la font ; ce qui suffit pour développer ses idées et les faire accepter par beaucoup de gens. Dès 1601, en effet, on repiquait de 15 à 20,000 plants de mûrier dans le jardin des Tuileries et les parcs de Madrid et de Fontainebleau, et les 20 août et 14 octobre 1602, la Commission du commerce, dirigée par Laffemas, passait des contrats aux termes desquels toutes les paroisses du royaume devaient être fournies, avant deux ans, de plants de mûriers, de graines de vers à soie et des instructions nécessaires pour la culture des uns et l'éducation des autres. Or, pour précipiter le mouvement, Laffemas publia, à son tour, de nombreux écrits sur la culture du mûrier, et si les résultats ne répondirent pas à ses espérances, {56}cela tint d'abord à ce qu'on voulut faire cultiver cet arbre partout, au lieu de limiter cette culture au Dauphiné, à la Provence, au Vivarais et au Languedoc ; puis, à ce que la noblesse et le clergé, dont on réclama le concours, pour populariser cette culture, se montrèrent plus que tièdes, - ce à quoi l'on essaya de remédier en décidant, le 16 novembre 1605, qu'il y aurait une pépinière de mûriers dans chaque chef-lieu de diocèse.
Médiocrement heureux de ce côtélà, Laffemas le fut davantage d'un autre, touchant également à l'industrie séricicole ; car, ayant obtenu du roi, en 1603, la fondation, à Paris, d'une fabrique de soieries destinée surtout à former des ouvriers, qui seraient ensuite envoyés dans les provinces pour y former d'autres établissements, cette entreprise réussit fort bien.
Remarquons avec cela que le tailleur de Beausemblant ne sépara jamais, dans ses projets, le point de vue moral du point de vue économique, estimant avec raison que la probité est une condition essentielle pour la prospérité du commerce et de l'industrie, ce qui est à son grand honneur ; puis que, devançant de trois siècles son époque, il eut une tendance accusée vers le socialisme d'Etat, ainsi que l'on peut s'en convaincre en lisant la plupart de ses écrits et ainsi que le prouve un projet, dont il est question, avec détails, dans l'Histoire du commerce de France, par son fils Isaac, et dont l'économie consistait à établir un peu partout des bureaux reliés entre eux par une administration centrale, dans lesquels se feraient inscrire tous ceux qui auraient leurs bras à louer, des marchandises à vendre ou quelque affaire à proposer, c'est-à-dire à concentrer entre les mains du gouvernement royal l'industrie et le commerce français, ce qui fut trouvé trop audacieux par Henri IV.
Or, témoignage irrécusable de l'ingratitude humaine, cet enfant du peuple qui, étant devenu l'ami des grands et des puissants, grâce à son intelligence et à son industrie, sut " les intéresser à la cause des faibles, des déshérités " et fut " constamment préoccupé de la prospérité publique et d'assurer à chacun travail et bienêtre ", suivant une judicieuse remarque de M. Lacroix, cet homme-là, disons-nous, est mort tellement oublié qu'on ne sait pas en réalité à quelle date. Car, tandis que le grand historien d'Henri IV, M. Poirson, dit que ce fut en 1605, - parce qu'il n'est guère question de lui après la clôture des travaux du Conseil du commerce, dont il rendit compte au roi dans un écrit daté de 1604, - il assista, on le sait, au mariage de son fils Isaac, en l'église de St-Jacquesde-la-Boucherie, à Paris, le 23 novembre 1608, et publiait encore, deux ans plus tard, une brochure.
La Biographie universelle opine, par conjecture, pour 1612, et Champollion-Figeac, qui semble avoir écrit sur des papiers de famille, précisant tout à fait, raconte qu'il mourut le 4 mars 1623, âgé de 55 ans, ce qui n'est pas exact, au moins pour ce qui regarde l'âge, attendu qu'en 1623, Laffemas aurait eu 78 ans.
De son mariage avec Marguerite Lebret, Barthélemy de Laffemas eut, entre autres enfants, Isaac, sieur de Humont, secrétaire du roi en 1613, grand voyer de la généralité en 1622, maître des requêtes en 1625, conseiller au Parlement de Bordeaux en 1627, intendant de Champagne et du Pays messin en 1634, enfin lieutenant-civil en la prévôté de Paris, de 1635 à 1642, l'auteur de l'Histoire du commerce de France et l'âme damnée de Richelieu, magistrat qu'on appelait : Vir bonus strangulandi peritus, et qui eut lui-même, de deux mariages, huit enfants, dont l'un est cet abbé de Laffemas qui traduisit la Pharsale de Lucain en vers burlesques. Terminons en disant qu'une arrière-petite-fille du tailleur de Beausemblant, fille du comte de Vézelay, {57}épousa Oratio Albani, frère du pape Clément XI.
ICONOGRAPHIE. - I. Grav. sur bois, in-8º. En buste, de profil, à G., dans un ovale, autour duquel on lit : Barthelemy de La Femas, aage de 53 (l'an 1598), et audessous :
quatrein de l'avthevr
[Je n'ay désir, lecteur, de complaire à plusieurs,
Aussi que mes escripts sentent de leur ramage,
Ie seray satisfaict lorsque ce mien ouurage
Pourra de nostre France abolir les malheurs.]
av lectevr
[Je te supplie, lecteur, excuse la science
Nayât par mes escripts aucun grec ny latin,
Mais regarde plus tôt de mon traité la fin :
Tu verras aux François grande resiouissance.]
Ce portrait est au verso du titre du nº IV des œuvres de Laffemas. - II. Autre grav. sur bois in-8º. En buste, le corps de 3/4 et la tête nue de profil, dans un ovale, sans légende, mais ayant au-dessous un quatrain. Se trouve au verso du titre des écrits nos VI, VII et IX. - III. Le P. Lelong indique dans sa Biblioth. hist., t. V : " N... 1595, petit ovale, âgé de 55 ans " ; mais ne s'agit-il pas du nº I dont il aurait mal copié les chiffres ?
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Barthélemy de Laffemas, par A. Lacroix. Valence, 1893, in-8º de 28 pp.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Reiglement general pour dresser les manvfactvres en ce royavme, et couper le cours des draps de soye et autres marchandises qui perdent et ruynent l'estat. Avec l'extrait de l'advis que messieurs de l'assemblée tenue à Rouen ont baillé à sa Maiesté, que l'entrée de tovtes sortes de fil d'or et d'argent, et marchandises de soye et laine manvfacturées hors ce royaume soyent deffendues en iceluy ; et d'oster les imposts sur les laines et soyes escrues. Ensemble le moyen de faire les soyes par tovte la France. Paris, Claude de Monstr'œil et Jean Richer, 1597, in-8º de 40 pp. Brochure dont il y a une édition revue et augmentée de plusieurs exemples touchant la manufacture. A Rouen, impr. de Georges l'Oyselet, m. d. xcvii, in-8º de 41 pp.
II. Response aux difficvltez proposées a l'encontre dv reglement general tovchant les manufactures. S.l.n.d., in-8º de 11 pp. et 2 ff. non numérotés.
III. Les monopoles et traffic des estrangers descouverts ; auec le pernicieux abvs des changes et avtres belles raisons povr remettre l'estat ; et sur le second feuillet : Responce à Messieurs de Lyon, lesquels veulent empescher rompre le cours des marchandises d'Italie, auec le préjudice de leurs foires et l'abus aux changes, et autres belles raisons pour seruir au bien de l'Estat. Fait par Barthélemy de Laffemas, vallet de chambre du Roy, natif de Beausemblant en Dauphiné. A Paris, par Estienne Prévosteav..., m.d.xcviii, in-8º de 23 pp. - On trouve dans cet écrit les deux quatrains suivants, qui prouvent que Laffemas fut en butte à des accusations fort différentes :
[Aucuns par mes escrits, m'ont voulu donner blâme
Que du labeur d'autruy ie m'en donne le nom
Si cela estait vray, je serois sans renom,
D'aucuns ne suis vallet que du Roy, sur mon âme.
Ceux qui diront mes uers estre rudes et grossiers,
Prier je les voudrois, de leur plus douce lime,
C'est par leur beau sçavoir les rendre plus entiers,
J'en retiens la raison, et ils auront la rime.]
IV. Les tresors et richesses povr mettre l'estat en splendevr et monstrer au vray la ruyne des François par le negoce et traffic des estrangers ; et empescher facilement les petits procez en toute vacation ; voir comme la justice des consuls doit estre supprimée et autres belles raisons. Le tout pour le bien de ce royaume. A Paris, par Estienne Preuosteau, m.d.xcviii ; in-8º de 56 pp., dont les 21 premières sont en prose et les autres en vers. En tête de cette seconde partie, se trouve le titre que voici : Discours en Rythme, qvi demonstre avx grands le bien du commerce, et sur le svbject de la paix presente les loüanges de sa Majesté pour induire le peuple a prier Dieu qu'il la face longueme(n)t prosperer. Portrait au verso du titre.
V. Advertissement et response avx marchands et autres où il est touche des changes, banquiers et banqueroutiers. Paris, Estienne Prevosteau, 1600, in-8º.
VI. Advis et remonstrances à messieurs les commissaires deputez du Roy, au faict du commerce, auec les moyens de soulager le peuple des tailles, et autre bien nécessaire pour la police de ce royaume. A Paris, pour Sylvestre Moreav..., 1600 ; in-8º de 22 pp. avec portrait, au-dessous duquel se trouve le quatrain suivant :
[Autheur tu es blasmé d'infinis tous les iours,
Ne cognoissant le bien que tu fais pour la France :
Les sages et discrets iuieront de l'offence,
C'est une œuvre du Ciel qui veut prendre son cours.]
VII. Le quatrième advertissement du commerce, faict sur le debvoir de l'aumosne des pauvres, faict par Barth. de Laffemas..., qui represente sur ce l'abvs des tavernes et cabarets. Paris, Jamet et P. Métayer, 1600, in-8º avec portrait.
VIII. Les moyens de chasser la gueuserye, contraindre les fainéa(n)ts, faire vivre et employer les pauvres. Desdiez à messieurs du clergé. Faict par Barthélemy de Laffemas... qui represente sur le nombre des maistrises de Paris. Paris, Estienne Prevosteau, 1600, in-8º, de 15 pp.
IX. L'incredvlité ov l'ignorance de cevx qui ne vevlent cognoistre le bien et repos de l'estat, et veoir renaistre la vie heureuse des {58}Français. Ce discours contient cinq petits traitez faits depuis le 15 aoust dernier. Paris, Jamet et Pierre Mettayer, m.dc. in-8º de 29 pp. et 2 ff. non munérotés, ayant au verso du titre le même portrait que les Advis et remonstrances.
X. La commission, edit et partie des mémoires de l'ordre et establissement du commerce general des manufactures en ce royaume... advertissement av lecteur que les dits mémoires ont été imprimez a la haste par commandement de messieurs les commissaires, et par diuers imprimeurs : qui est la cause n'auoir mis les articles en ordre selon leur rang. A Paris, faict au de may 1601, in-4º. Reproduit par Champollion-Figeac, dans les Docum. hist. inédits, IV.
XI. Les discours d'une liberté générale et vie heureuse pour le bien du peuple. Paris, Binet, 1600, in-12. - Autre édit. Paris, le même, 1601, in-12.
XII. Remonstrances politiques svr l'abvs des charlatans, pipeurs et enchanteurs. A Paris (sans nom d'imprimeur), fait au mois de juin 1601, in-8º de 15 pp.
XIII*. Nevf advertissements povr seruir à l'vtilité publique, aduenus sur le bonheur de la naissance de Mon Seigneur le Dauphin. Assavoir est :
[D'un bon et rare ouurier françois.
Faire fil d'or au tiltre de Milan.
Faire croistre le ris en France.
Bluter les farines par des enfans.
Faire fromage à la vraye mode de Milan.
Faire croistre asperges de deux poulces et longues d'un grand pied.
Comme les estrangers possedent les nauigations de la mer et les richesses des foires.
Certains odvis de fabriquer toutes étoffes en France.
Les désordres des Monnoyes, avec le remede du bien.]
Faict par B. D. L. (Barthélemy de Laffemas), à Paris, par Pierre Pautonnier, 1601, in-8º de 12 pp.
XIV. VIIº Traité. Dv commerce de la vie du loyal marchand, avec la commission du Roy, et bien qu'il faict aux peuples et royaume. A Paris, chez Léon Cavellat, 1601, in-8º de 15 pp., avec portrait. Brochure à laquelle il fut répondu par Le loyal François qui respond et donne advis aux mémoires du sieur de Laffemas. Par V. T. F. Paris, Binet, 1601, in-8º.
XV*. Remonstrance au peuple svivant les edicts et ordonnances des Roys, à cause du luxe et superfluité des soyes, clinquants en habits, rvine générale. Faict par B. D. L. Imprimé à Paris, par Nicolas Barbote, 1601. In-8º de 16 pages.
XVI. Lettres et exemples de la feve royne mère, comme elle faisoit travailler aux manufactures et fournissoit aux ouuriers de ses propres deniers. Avec la preuue certaine de faire les soyes en ce royaume : pour la prouision d'iceluy, et en peu d'années en fournir aux estrangers. A Paris, chez Pierre Pavtonnier, 1602, in-8º de 24 pp. - Mémoire reproduit dans les Arch. cur. de l'Hist. de Fr., par Cimber et Danjou, ix, 119-136.
XVII. Le tesmoignage certain du profict et reuenu des soyes de France, par preuues certifiées du païs de Languedoc. A Paris, par Pierre Pautonnier, 1602, in-8º de 8 pp.
XVIII. Comme l'on doit permettre la liberté du transport de l'or et de l'arge(n)t hors du royaume : Et par tel moyen conseruer le nostre et attirer celuy des estrangers. Avec le moyen infaillible de faire continuellement trauailler les monnoyes de ce royaume qui demeurent innutilles. A Paris, par Pierre Pautonnier, 1602, in-8º de 8 pp.
XIX. Le pIaisir de la noblesse et autres qui ont des éritages aux champs, sur la preuue certaine et profict des estauffes et soyes qui se font à Paris et les magasins qui seront aux prouinces. Paris, Pierre Pautonnier, 1603, in-8º de 8 pp. - Reproduit par Edouard Fournier dans les Var. hist. et litt., vii, 303 et suiv.
XX. Prevve dv plant et profict des mevriers, pour les parroisses des generalitez de Paris, Orléans, Tours et Lyon, pour l'année 1603. Paris, Pierre Pautonnier, 1603, in-8º de 16 pp.
XXI*. Le naturel et profit admirable du meurier, qui en l'ouurage de son bois, feuillages et racines, surpasse toutes sortes d'arbres, que les François n'ont encore sçu connoître ; avec la perfection de les semer et elever ce qui manque aux memoires de tous ceux qui ont écrit, par B. D. L. F. Paris, 1604, in-8º.
XXII. La façon de faire et semer la graine de meuriers, les elever en pepinieres et les replanter aux champs : gouverner et nourrir les vers à soye au climat de la France, plus facilement que par les mémoires de tous ceux qui en ont escript. Paris, Pierre Pautonnier, 1604, in-12 de 36 pp.
XXIII. Recveil présenté av Roy de ce qui se passe en l'assemblée du commerce av palais à Paris. Faict par Laffemas, controlleur general dudit commerce. A Paris, par Pierre Pautonnier, 1604, in-8º de 43 pp. - Reprod. dans les Arch. cur. de l'Hist. de Fr., xvi, 218 et suiv.
XXIV*. Instruction du plantage des meuriers, pour messieurs du clergé : avec les figures pour apprendre à nourrir les vers, faire et tirer les soyes. Ceste instruction a esté veue, abregée et corrigée sur tous les memoires cy devant faits. Paris, David le Clerc, 1605, in-4º. En 1615, cet écrit fut réimprimé dans le même format et avec le même titre, à la différence près qu'on lit à la suite : " Publié par Le Roi, Jacques Chabot, Jean Vander-Ve-Kene et Claude Mollet, jardiniers du roi et entrepreneurs dudit plant ", ce qui permet de douter que l'attribution qu'en fait à Laffemas la France prot. soit exacte.
XXV*. La rvine et disette d'argent qu'ont apportée les draps de soye en France, auec {59}des raisons que n'ont jamais cogneu les François pour y remedier. Faict par B.D.L.F.A Paris, chez Nicolas Barbote, in-8º de 15 pp.
XXVI. Advertissement sur les divers crimes des banqueroutiers suivant les edits et ordonnances des roys de France. Paris, J. Millot, 1609, in-8º.
XXVII. Advis svr l'vsage des passements d'or et d'argent. Paris, chez Jean Millot, 1610, in-8º de 66 pp.
XXVIII. Sources d'abus et monopoles glissés sur le peuple de France. S.l.n.d. in-8º.
XXIX*. La ruine et disette d'argent, commune aujourd'hui par toute la France, par les desordres et les injustices de la guerre, avec le remede certain... Fait par B. D. L. F. Paris (sans nom d'imprimeur), rue d'Ecosse, aux trois crémaillères, 1652, in-4º.
#Biogr. Dauph., ii, 999. - Champollion-Figeac, Doc. hist. inéd., iv. - France prot. - Isambert, Ordon., xiii, 208 ; xv, 278, 291. - Poirson, Hist. d'Henri IV, ii, 1re. partie, 88. - Rev. hist., 1883. - Dict. des économistes, 1876. - Mousset, Bibliogr. agron. - Brunet, Man. du libr. - Bull. d'archéol., xxvii, 25-48 ; art. de M. Lacroix. - Bibl. hist. du P. Lelong. - Maignien. Dict. Anon. Dauph., nos 330, 331, 2195 et 2150. - Delacroix, Stat. de la Drôme, 420. - Etc., etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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