LA BAUME (François de)
LA BAUME (François de)), comte de Suze et de Rochefort, baron de Lers, seigneur d'Heyrieux, Montfrin, Rochegude, Plaisians et autres places, un des grands capitaines catholiques du xvie siècle, appartenait à une famille des environs de Grenoble, à qui la terre de Suze-la-Rousse advint en 1426, par le mariage de Louis de la Baume, un des combattants de Verneuil, avec Antoinette de Saluces{32}Piasco, dame de cette terre. Bertrand de la Baume, fils de Louis, ayant trouvé le lieu de Suze presque inhabité, y attira des habitants, en leur concédant des terres sous la seule réserve du 8e des récoltes et leur accordant, en outre, par acte du 10 mars 1452, droit de pâquerage et de pêche et droit de prendre dans ses forêts le bois nécessaire pour se chauffer et pour construire leurs demeures. Pierre, fils de Bertrand, élargit le cercle des franchises de ses vassaux, et Guillaume, son fils, mari de Catherine d'Albaron, fut le père de l'homme de guerre qui a donné lieu à cet article et qui est connu dans l'histoire sous le nom de comte de Suze.
Vraisemblablement né à Suze-la-Rousse, en 1526, François de la Baume était donc âgé d'environ trente-six ans quand le fameux baron des Adrets, pour qui il devait être un adversaire souvent malheureux mais toujours redoutable, leva l'étendard de la révolte au nom de la Réforme ; et, remarque à faire, il n'avait pas encore été question de lui lorsqu'il apparut tout à coup comme le chef du parti catholique dans le Bas-Dauphiné. C'était au mois de juin 1562. Les huguenots d'Orange qui, après s'être rendus maîtres de leur ville, avaient pris une large part au saccagement de Barjols en Provence (6 mars 1562), menaçant de plus en plus la région environnante, le commandant militaire du Comtat-Venaissin, Fabrice Serbelloni, Sommerive, chef des catholiques provençaux, et le seigneur de Suze réunirent leurs forces et, s'étant emparés d'Orange, le saccagèrent. Leurs soldats " mirent le feu au chasteau tout le premier et, après, par toute la ville, meurtrissant beaucoup de gens de bien, sans avoyr esgard ny aux papistes que huguenaulx ", dit un témoin oculaire, qui nous apprend encore que cela se fit aux cris de : " Tue ! tue ! paga Barjol ! "
Instruit de cela, des Adrets, qui se trouvait alors à Valence, accourut avec des troupes et, joint aux huguenots orangeais, s'empara, quelques jours après, de Pierrelatte, dont la garnison, composée de 300 soldats du seigneur de Suze, fut massacrée aux cris de : " Paga Aurenjo ! " et il en fut de même de Bollène, où Suze avait une maison qu'on démolit ; après quoi le farouche baron, rappelé dans le Graisivaudan, laissa à Montbrun le soin de continuer la lutte. Seulement celui-ci, après avoir inutilement tenté de prendre le château de Suze-la-Rousse, fut battu, le 5 juillet, entre Causans et Beauregard, et s'il s'en vengea en faisant massacrer, trois jours après, la garnison de Mornas, puis démolir une maison que Suze avait à Montdragon, ce dernier riposta en s'emparant de Valréas, poste d'où il menaçait Nyons et les Baronnies. Par contre, étant revenu sur ces entrefaites, des Adrets lui fit essuyer, le 25 juillet, devant cette ville une défaite qui coûta aux catholiques un très grand nombre d'hommes et trois pièces d'artillerie, dont une de gros calibre. Ainsi battu, mais non découragé, Suze se dirigea du côté de Carpentras, que menaçaient les huguenots, qui étaient eux-mêmes assiégés dans Sisteron par le comte de Sommerive, et, après avoir contraint des Adrets à abandonner le siège de la capitale du Comtat-Venaissin, il battit, non loin de Lagrand, Montbrun qui allait au secours de Sisteron et à qui il reprit les canons que des Adrets lui avait enlevés à Valréas (2 sept.). Deux jours après, Sisteron était occupé par Sommerive, et la Provence et le Comtat étaient sauvés de des Adrets, à qui son parti ne pardonna pas cet échec.
On trouve ensuite le seigneur de Suze au combat de St-Gilles (27 sept. 1562), où il fut mis en pleine déroute par Grille ; puis avec Damville qu'il accompagna à Avignon, quand ce dernier y alla traiter de la paix avec le légat, au mois de nov. 1563 ; et c'est dans ce temps-là que le roi Charles IX, jaloux de se l'attacher, le fit capitaine de 50 hommes d'armes et membre de {33}son Conseil privé. L'an suivant, le même prince, descendant avec la reine sa mère dans le Midi, s'arrêta, le 21 septembre, au château de Suze, où il fut parrain, sa mère étant marraine, d'une fille du seigneur, " qui leur feit présent d'une fort belle collation de toutes sortes de confitures ", dit Abel Jouan, et les accompagna ensuite jusqu'à Orange ; mais François de la Baume ne resta pas moins toujours dans un pays dont il était considéré comme le chef et dont il le devint tout à fait en 1567, le pape l'ayant alors nommé général de ses troupes dans le Comtat, Quelques jours après (19 novemb. 1567), il marquait la prise de possession de cette charge en s'emparant sur les huguenots de la citadelle de Pont-St-Esprit, qu'il lui fallut bientôt abandonner par crainte d'y être bloqué, mais qu'il reprit ensuite, s'étant emparé dans l'intervalle d'un assez grand nombre de places, telles que Jonquières, Courthezon, Tulette, Vinsobres et Mirabel, c'est-à-dire s'occupant autant des affaires du Roi, dans la contrée avoisinant le Comtat, que de celles du pape dans ce dernier pays ; et c'est pour l'en récompenser que Charles IX érigea, pour lui, au mois de sept. 1572, la terre de Suzela-Rousse en comté.
Dix-huit mois plus tard (mars 1574), Henri III mandait au comte de Suze, encore à ce moment-là " à Avignon, pour secourir cest Estat-là ", de se rendre auprès de Damville, en Languedoc, " pour l'y servir en ce qui s'y présentera " ; et, le 1er juin 1578, le maréchal de Retz ayant dû se démettre du gouvernement de la Provence et de la charge d'amiral des mers du Levant, pour raisons de santé, c'est notre dauphinois qui fut nommé à sa place. Seulement, les Provençaux, qui lui préféraient le comte de Carcès, parce qu'il était du pays, lui firent une opposition tellement vive que, le comte de Suze ayant jugé sage de mener avec lui des troupes Corses lorsqu'il alla prendre possession de son gouvernement, de Vins, beaufrère de Carcès, qui tenait la campagne à la tête de 2,000 hommes de pied et quelques cavaliers, menaça de l'attaquer, et il ne fallut rien moins que toute la diplomatie de Catherine de Médicis pour empêcher un conflit armé. Cela dura jusqu'à ce que les habitants d'Aix, - qui s'en prenaient à Suze de ce qu'un capitaine huguenot du nom de Laverdière, qui s'était emparé d'un petit fort voisin, poussait des pointes jusques à leurs portes, - prenant les armes dans la nuit du 14 janvier 1579, l'obligèrent à s'éloigner de leur ville ; de telle sorte que Suze, après s'être retiré à Marseille, ville où il ne rencontrait pas d'opposition, finit par donner sa démission, sur la promesse qui lui fut faite, par la reine-mère, de la charge de général des galères. Mais cette promesse n'ayant pas été tenue, il revint probablement sur la démission donnée ; car, bien que le cardinal d'Armagnac eût été installé à sa place, le 20 avril 1579, il ne cessa pas de se dire gouverneur de Provence, au moins jusqu'en 1581, date à laquelle il fut fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit. Seulement, comme il n'en avait que le titre, les Provençaux n'ayant pas voulu l'accepter parce qu'il était étranger à leur province, le vieux capitaine prit d'autant plus sa part de toutes les actions de guerre dont notre région fut le théâtre ; et c'est ainsi qu'étant allé au secours des catholiques, qui assiégeaient le château de Montélimar, après s'être emparés de cette ville, et les protestants étant accourus, de leur côté, au secours des leurs, il s'ensuivit une mêlée, dans laquelle il fut tué d'un coup d'arquebuse, le 22 août 1587, et une telle déroute de ceux qu'il voulait secourir, qu'il en périt plus de la moitié. C'était, dit-on, la cinquantequatrième fois qu'il se battait pour la cause catholique.
Un vieux tableau, qui se trouvait encore, il y a peu d'années, chez un des descendants du comte de Suze, a donné lieu à une légende. Le vieux guerrier y étant représenté blessé et porté {34}dans une litière, que suit son cheval de bataille, au dessus duquel on lit : Allons, la Grise, allons mourir à Suze, on en a conclu qu'ayant été seulement blessé au siège de Montélimar, il alla mourir dans son château ; tandis qu'il est établi que son corps ayant été transporté de Montélimar à Viviers, après le siège, y fut d'abord caché dans les ruines de la cathédrale, puis embaumé et porté à Suze. Peut-être n'y a-t-il également qu'une légende dans l'anecdote rapportée par St-Foix et suivant laquelle le comte de Suze, ayant provoqué des Adrets en duel et l'ayant terrassé, lui demanda ce qu'il ferait s'il le tenait comme lui au bout de son épée. " Je t'achèverais " aurait répondu le baron. - " Eh bien, sache que je ne tuerai jamais un ennemi à terre " riposta Suze. Mais, en admettant même que cette anecdote ne soit pas rigoureusement vraie, elle n'a rien d'invraisemblable, " ces hommes, dont la dureté allait jusqu'à la férocité dans certaines circonstances, ayant avec cela des mouvements d'une générosité sans pareille. "
Marié, le 16 juin 1551, avec Françoise de Lévis, fille de Gilbert, comte de Ventadour, François de la Baume eut cinq filles et quatre fils, dont le suivant.
#Biogr. Dauph., ii, 1. - Arch. Drôme, E, 106. - Anselme, Gr., off. ix, 71. - Brizard, Gén. de Beaumont, i, 306. - Lettres de Cath. de Médicis, iv, 286 ; vi, 371. - Papon, Hist. de Prov., iv, 173, 212, 216. - Lacroix, L'Arrond. de Mont., vi, 187 ; viii, 106. - Hist. des guerr. dans le Comtat, 11, 12, 14, 122. - Ed. de Barthélemy, Lettres du comte de Suze. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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