FAUJAS DE SAINT-FOND (Barthélemy)



FAUJAS DE SAINT-FOND (Barthélemy)), géologue, né à Montélimar le 17 mai 1741, était l'aîné des quatre fils que Barthélemy Faujas, greffier en l'élection de cette ville, puis notaire, eut de son mariage avec Marie Boisset ; le petit-fils d'autre Barthélemy Faujas, notaire, et l'arrière-petitfils d'un Jacques Faujas, procureur en 1660. Ayant fait ses études classiques chez les Jésuites de Lyon, où il se fit remarquer par une grande facilité à faire des vers, il étudia le droit, probablement à l'université de Valence, et, reçu avocat en Parlement vers 1762, s'établit alors à Grenoble. Seulement, comme il avait beaucoup moins le goût de la chicane que celui de la nature, il ne profita guère de son séjour dans cette dernière ville que pour explorer les montagnes environnantes, dont les beautés le transportèrent d'admiration ; les ayant admirées, il voulut connaître leur composition géologique, et c'est ainsi que, suivant une remarque de Nadault de Buffon, il arriva à la science par la poésie. Suivant l'auteur d'une étude sur le comte d'Antraigues, M. Pingaud (Un agent secret sous la Révolution et l'Empire, pp. 41 et 210), Faujas de Saint-Fond, qui s'était lié d'amitié avec le fameux conspirateur, du temps qu'il étudiait les volcans éteints du Vivarais, aurait fait en Autriche, vers 1798, le métier d'espion, sous couleur d'études géologiques ; mais on ne voit pas que notre géologue ait fait d'autre voyage en Allemagne et, par suite, en Autriche, que celui qu'il y fit peu avant la Révolution.
{312}Rappelé à Montélimar par sa famille, en 1765, un riche mariage l'y retint et il y acquit en même temps la charge de visénéchal, qui équivalait à celle de président d'un tribunal de première instance d'aujourd'hui ; mais, dans cette nouvelle situation, plus encore que dans la précédente, il s'occupa surtout de sciences naturelles, particulièrement de géologie, et, grâce à la fortune de sa femme, se livra même à des expériences coûteuses. Ainsi fit-il ouvrir à ses frais, en 1775, sur les hauteurs du Chenavari (Ardèche), une carrière de pouzzolane qui, après avoir été essayée par lui, fut employée avec succès pour la construction du port de Toulon. L'an suivant, il publiait son Mémoire sur des bois de cerf fossiles, qui le mit en relations épistolaires avec Buffon dont il fut bientôt le correspondant attitré ; et, devenu enfin l'ami du grand naturaliste, il revendit alors sa charge de visénéchal 24,000 livres, pour aller occuper à Paris l'emploi d'adjoint aux travaux du Jardin du roi, pour la correspondance, que Buffon avait fait créer pour lui, et dont il fut mis en possession, le 8 novembre 1778.
Six ans et demi après (1er mai 1785), Faujas de Saint-Fond ajoutait à cet emploi celui de commissaire royal pour les mines et carrières, emploi qui le mit à même de faire, non seulement en Dauphiné, dans l'Ile-de-France, la Bourgogne, le Bourbonnais, le Languedoc, le Vivarais, la Provence et les Alpes, mais encore en Angleterre, en Ecosse, dans les Hébrides, en Hollande, en Bohême, en Allemagne et en Italie, des voyages d'exploration, au cours desquels il découvrit plusieurs mines et s'attacha à vulgariser les propriétés de certaines matières minérales propres à l'industrie. C'est notamment alors qu'il découvrit les mines de fer de la Voulte (Ardèche) et fit paver la grande rue de Montélimar avec des basaltes du Chenavari, qu'il fallut plus tard remplacer par de simples cailloux, parce qu'ils étaient devenus trop glissants ; c'est aussi, dans ce temps-là, qu'il donna à la confrérie des Pénitents de Montélimar une parcelle de la vraie Croix, qu'il tenait d'un prélat de Hongrie.
Buffon étant mort le 16 avril 1788, Faujas de Saint-Fond aurait dû hériter de la situation de son protecteur et ami, qui lui avait légué son cœur, et de qui il eut le cervelet, par suite d'un échange avec le fils du grand naturaliste ; mais Lacépède ayant trouvé moyen de se substituer à lui, il fut simplement donné comme aide à ce dernier, avec le titre d'" adjoint à la garde des cabinets et chargé de correspondance. " Or, c'est probablement ce déni de justice qui le fit entrer un moment dans le courant révolutionnaire, pour lequel il avait, en somme, fort peu de goût, à ce que nous apprend son biographe et ce que l'on sait d'ailleurs. Car c'est, en effet, à son instigation qu'eut lieu cette fameuse fédération d'Etoile (29 novembre 1789), qui devait être tant imitée, à propos de laquelle l'enthousiaste Michelet dit que " jamais depuis les croisades, on ne vit tel ébranlement des masses " et qui, bien qu'elle n'ait compté en réalité que 118 gardes nationaux de tout grade, au lieu de 12,000, comme le prétend Buchez, n'en exerça pas moins une très grande influence sur la marche de la Révolution. Il y assista, du reste, en qualité de commandant des gardes nationales de Loriol et de Livron et, parlant des membres de l'Assemblée constituante, il y déclara que " leurs immortelles opérations ne permettent plus d'ignorer que l'amour inaltérable du bonheur des hommes, la prééminence du caractère et du talent, le pouvoir de la justice et la force de la conviction, ont enfin terrassé l'hydre à mille têtes qui, s'abreuvant de privilèges et d'usurpations, se nourrissait de la chair du peuple. "
Nommé professeur titulaire au Muséum, lors de sa réorganisation en 1793, Faujas de Saint-Fond s'attacha surtout à augmenter les collections de cet établissement, et c'est pour l'in{313}demniser des nombreux dons qu'il lui fit, à cet effet, que le Conseil des Cinq-Cents lui vota, le 17 octobre 1797, sur la proposition de Dubois (des Vosges), une somme de 25,000 francs. Quant à son enseignement, il tendit toujours à faire de la géologie, science qui avait paru, jusque-là, si conjecturale, une science certaine, pouvant être mathématiquement démontrée. Devenu, en outre, administrateur du Muséum et membre de la Légion d'honneur, sous l'Empire, il partagea son temps, dans ses dernières années, entre Paris et sa maison de campagne de Saint-Fond, sur Loriol, propriété qu'il avait héritée d'un oncle, dont il ajouta de bonne heure le nom à son nom patronymique, et dans laquelle il mourut, le 18 juillet 1819, ne s'y occupant pas moins qu'à Paris de travaux scientifiques, mais dans un sens plus pratique. Car c'est notamment là qu'il fit venir, en 1810, quelques habiles chimistes pour y faire en grand du sirop de sucre avec du raisin et, par cela même, encourager les cultivateurs, ses voisins, à suivre son exemple. C'est également dans cette propriété que Faujas de Saint-Fond fut inhumé, suivant son désir ; ce qui n'empêcha pas Saint-Fond d'être vendu peu de temps après (1822), la plus grande partie de la fortune de notre géologue s'étant consumée en voyages, en recherches et en expériences.
Marié une première fois avec Marie-Marguerite Richon-Desmarais, de Taulignan, et remarié, peu de temps avant sa mort, avec sa cousine, Valériane Boisset, Faujas de Saint-Fond laissa trois fils, saVoir : le suivant ; un cadet qui mourut capitaine sous l'Empire ; enfin, un dernier qui était retraité comme chef de bataillon, dès 1810.
Pour ne rien omettre, rappelons que Cuvier, avec qui il eut des querelles, l'appelait Faujas Sans Fond ; ce qui explique la passion avec laquelle il applaudit à l'insertion, malgré Cuvier, d'un certain mémoire de Brard, dans les Annales du Muséum, en 1810.
ICONOGRAPHIE. - I. Grav. sur bois, extraite du Ralliement du Peuple. - II. Grav. sur acier, in-8º. Buste de 3/4 à G., dans un ovale de 0,105/0,076, grav. par Ambroise Tardieu, d'après un portrait original.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - I. Eloges de MM. Brugmans et Faujas de Saint-Fond, par Bory de Saint-Vincent. Bruxelles, 1819, in-8º. (Extrait des Ann. des sc. phys., II). - II. Essai sur la vie, les opinions et les ouvrages de Barthélemy Faujas de Saint-Fond, administrateur du Jardin du roi..., par de Freycinet. Valence, Montal, 1820, in-4º. - III. Mémoire pour M. Faujas de Saint-Fond contre les auteurs du Journal de Paris, par Lacroix. S.l.n.d., in-4º.
BIBLIOGRAPHIE. - I. Mémoire sur les bois de cerf fossiles trouvés dans les environs de Montélimar en Dauphiné. Grenoble, Cuchet ; Paris, Renault, 1776 et 1779, in-4º de 8 + 24 pp., plus une planche en couleur, par Gautier-Dagoly.
II. Recherches sur les volcans éteints du Vivarais et du Velay, avec un discours sur les volcans brûlants. Grenoble, Cuchet, 1778, in-fol., avec planche.
III. Recherches sur la pouzzolane, sur la théorie de la chaux et sur la dureté du mortier, avec la composition de différents ciments en pouzzolane. Grenoble et Paris, 1778, in-8º. Cet ouvrage donna lieu à : * Mémoire sur la manière de reconnaître les différentes espèces de pouzzolane et de les employer dans les constructions sous l'eau et hors de l'eau. Pour servir de suite et de supplément aux Recherches sur la pouzzolane de M. Faujas de Saint-Fond. Amsterdam et Paris, 1780, in-8º, avec 2 pl.
IV. Histoire naturelle de la province du Dauphiné, avec des gravures ét une carte géographique et minéralogique de cette province. Tome Ier. Grenoble et Paris, 1782, in-8º. Seul volume paru d'un ouvrage qui devait en avoir quatre, suivant le prospectus de 27 pp. in-8º qui parut, en 1780, chez Giroud, de Grenoble.
V. Description des expériences de la machine aérostatique de MM. Montgolfier et de celles auxquelles cette découverte a donné lieu. Paris, Cuchet, 1783-84, 2 vol. in-8º, avec fig.
VI. Minéralogie des volcans, ou description de toutes les substances produites ou rejetées par les feux souterrains. Paris, Cuchet, 1784, in-8º, avec fig.
VII. Essai sur l'histoire naturelle des roches de trapps avec leurs analyses et des recherches sur leurs caractères distinctifs. Paris, 1788, in-12. Il y a de cet ouvrage une autre édition, sous le titre de : Histoire naturelle des roches de trapps, considérées sous le rapport de la géologie et de la minéralogie. Paris, 1813, in-8º, avec fig.
VIII. Essai sur le goudron du charbon de terre et sur la manière de l'employer pour caréner les vaisscaux. Paris, 1790, in-8º.
{314}IX. Voyage en Angleterre, en Ecosse et aux îles Hébrides, ayant pour objet les sciences, les arts, l'histoire naturelle et les mœurs, avec la description minéralogique du pays de Newcastle, des montagnes du Derbyshire. Paris, Jansen. 1797, 2 vol. in-8º, avec fig.
X. Histoire naturelle de la montagne de Saint-Pierre de Maëstricht. Paris, Delaville, 1799, in-4º, avec 54 pl. Il y a de cet ouvrage une traduction hollandaise par Pasteur. Amsterdan, 1802, 2 vol. in-8º.
XI. Dictionnaire des Merveilles de la nature. Paris, 1802, 3 vol. in-8º.
XII. Essai de Géologie ou Mémoires pour servir à l'histoire naturelle du globe. Paris, Dufour, 1803, 2 vol. en 3 part., in-8º, avec 39 pl.
On a encore, de Faujas de Saint-Fond, une édition des Œuvres de Bernard Palissy (Paris, Ruault, 1777, in-4º), publiée sous le nom de Gobet et le sien, ce qui donna lieu à un procès, Faujas demandant la suppression du nom de ce dernier. Faujas a, de plus, annoté la traduction des Voyages dans les deux Siciles, de Spallanzani, par Toscan (Paris, an VIII, 6 vol. in-8º) ; et avait amassé, en outre, suivant Quérard, des matériaux pour une édition des œuvres d'Olivier de Serres. Quant aux articles publiés par lui, soit dans les Annales, soit dans les Mémoires du Muséum, en voici la liste :
annales du muséum : Tome i : Mémoire sur le trass ou tuffa volcanique des environs d'Andernach, 12 pp. et pl. ; Description des carrières souterraines et volcaniques de Niéder-Mennich, d'où l'on tire les laves poreuses propres à faire d'excellentes meules de moulin, 13 pp. et pl. ; Mémoire sur le caoutchouc ou bitume élastique de Derbyshire ; Mémoire sur un poisson fossile trouve dans une carrière de Nanterre, 4 pp. et pl. ; Description des mines de tuffa des environs de Brühl et de Liblar, 18 pp. et 5 pl. - Tome ii : Mémoire sur une défense fossile d'éléphant, trouvée à 5 pieds de profondeur..., 5 pp. et pl. ; Mémoire sur une grosse dent de requin et sur un écusson fossile de tortue..., 5 pp. et pl. ; Mémoire sur deux espèces de bœufs dont on trouve les crânes fossiles en Allemagne, en France et en Angleterre..., 13 pp et 2 pl., et Notice sur des plantes fossiles de diverses espèces qu'on trouve dans des couches fossiles... dans les environs de Rochesauve (Ardèche), 6 pp. et 2 pl. - Tome iii : Mémoire sur quelques fossiles rares de Vestena-Nova..., 7 pp. et 1 pl. et Essai de classification des produits volcaniques..., 16 pp. - Tome v : Notice sur un essai de culture de la patate rouge de Philadelphie..., 6 pp. ; De la préhnite désignée sous le nom de zéolithe cuivreuse du duché de Deux-Ponts, 2 pp. ; Voyage géologique depuis Mayence jusqu'à Oberstein..., 23 pp. et 3 pl., et Classification des produits volcaniques, art. dont il y a un tirage à part en 24 pp. in-4º (s.l.n.d.). - Tome vi : Voyage géologique à Oberstein, 28 pp. et 2 pl. - Tome viii : Voyage géologique au volcan éteint de Beaulieu (Bouches-du-Rhône)..., 4 pp. ; Notice sur le gisement des poissons fossiles et sur les empreintes de plantes d'une des carrières à plâtre des environs d'Aix, art. dont il y a un tirage à part de 8 pp. in-4º ; Voyage géolog. sur le Monte-Ramazzo..., 21 pp. ; Lettre à M. Lacépède sur les poissons fossiles du golfe de la Spezzia..., 7 pp., et Des coquilles fossiles des environs de Mayence, 11 pp. et pl. - Tome ix : Notice sur la madréporite à odeur de truffe noire, de Monteviale..., 8 pp. ; Notice sur une portion de tronc de palmier trouvée à 60 pieds de profondeur... dans le Vicentin, 4 pp. - Tome x : Description géolog. des brèches coquillières et osseuses du rocher de Nice..., art. dont il y a un tirage à part de 18 pp. in-4º (s.l.n.d.). - Tome xi : Notice... sur la sarcolithe de Montechio-Maggiore..., 5 pp. ; Notice sur une espèce de charbon fossile, art. dont il y a un tirage à part de 8 pp. in-4º (s.l.n.d.), avec Voyage géolog. de Nice à Menton..., 47 pp., et Mémoire sur un nouveau genre de coquilles bivalves, 9 pp. - Tome xiv : Notice sur une mine de charbon fossile du département du Gard..., 11 pp. et pl., et Notice sur le piquant ou l'aiguillon pétrifié d'un poisson du genre des raies..., art. dont il y a un tirage à part de 8 pp. in-4º, avec pl. (s.l.n.d.). - Tome xv : Addition au mémoire sur les coquilles fossiles des environs de Mayence, 12 pp. et pl. - Tome xix : Mémoire sur le phormium tenax..., 30 pp. et pl., et Mémoire sur les roches de trapps, 44 pp. et pl.
mémoires du muséum : Tome ii : Hist. natur. de diverses substances siliceuses..., art. dont il y a un tirage à part de 36 pp. in-4º (Paris, Belin, 1816), et Nouvelle notice sur les plantes fossiles... de Chaumérac et de Rochesauve, 18 pp. - Tome iii : Des émaux, des verres et des pierres ponces des volcans brûlants et des volcans éteints, 36 pp., et Notice sur quelques coquilles fossiles des environs de Bordeaux. - Tome v : Notice sur quelques-unes des plantes fossiles qu'on trouve dans les couches calcaires du Monte-Bolea...
Indépendamment de cela, Faujas de Saint-Fond a laissé en manuscrit, suivant Freycinet, qui se proposait de les publier : Discours et leçons de géologie ; Essai sur le passage du Rhône et des Alpes, par Annibal ; Recherches sur la fontaine de Vaucluse... ; Essai sur des objets antiques situés en Vivarais et en Dauphiné ; Mémoire sur le ver à soie. Enfin l'on a encore de lui, à la bibliothèque de Grenoble, les manuscrits suivants : 1º Plan pour l'exécution de l'Histoire naturelle du Dauphiné : 2º Mémoire sur les gypses et les solenites, avec la description des différentes carrières de plátre de la province du Dauphine ; 3º Mémoire sur la mine de fer d'Allevard, dans le Haut-Dauphiné, et 4º Mémoire sur les pétrifications végetales et les bois pétrifiés.
#Biogr. Dauph., i, 375. - De Coston, Hist. de Montélimar, i, 515 ; ii, 420. - Delacroix, Stat. Drôme, 559. - Feller, Biogr. univ. - De Gallier, L'Assemblée {315}constit., 23. - Michelet, Hist. Révol., ii, 40. - Réimp. du Moniteur, xxix, 43. - Acte d'union de vingt villes, bourgs, villages et communautés du Vivarais et du Dauphiné, du 29 novembre 1789. S.l.n.d., in-8º de 21 pp. - Catal. des mss. de la bibl. Grenoble. - Champollion, Chron. dauph., i, 291, 314. - Etc.




Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901

Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne

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