COLAS (Jacques)
COLAS (Jacques)), visénéchal de Montélimar, puis grand prévôt de France et comte de la Fère, personnage que les généalogistes rattachent à une famille orléanaise de ce nom, qui peut amplement se passerd'une illustration pareille, était en réalité fils de Claude Colas, avocat de Montélimar, qui épousa en 1545 Catherine Daurelle, petitfils d'un cordonnier des mêmes nom et prénom, qui testa le 1er décembre 1499, et arrière-petit-fils de Gilet Colas, autre cordonnier, que l'on trouve établi à Montélimar dès 1463 ; tandis que l'auteur de la famille à laquelle on prétend le rattacher, Nicolas Colas, était conseiller du duc d'Orléans dès 1360.
On ne peut, du reste, oublier le portrait qu'a tracé de notre Montilien l'illustre de Thou, qui fut son condisciple à l'université de Valence : " Homme de la plus vile naissance, mais qui, rempli d'impudence et d'orgueil, a trouvé moyen, à force de crimes et à la faveur des troubles funestes qui ont désolé la France, de s'élever à des dignités où il auroit eu honte d'aspirer, dit-il, si la licence de ces temps malheureux n'avoit rendu tout permis. " Enfin, ayant étudié le droit à Valence, vers 1571, date à laquelle il était recteur ou prince de la jeunesse de l'université de cette ville, il acquit, en 1575, la charge de visénéchal de Montélimar, - quelque chose comme la présidence d'un tribunal de première instance d'aujourd'hui, - dont il fut pourvu le 4 juin, mais dans laquelle il ne fut installé que le 13 juillet 1577, parce que c'est alors seulement qu'il eut les trente ans voulus par les règlements. Ayant d'ailleurs siégé dans l'intervalle, comme l'un des représentants du tiers état du Dauphiné, dans les états généraux de Blois, il commença à y jouer un rôle, mais un rôle bien différent de celui que l'on pouvait attendre d'un homme qui fut surtout un irréconciliable ligueur ; car, Versoris ayant volontairement omis de dire au roi, dans sa harangue, que tout en désirant le retour à la vieille maxime : Une foi, une loi, un roi, les députés ne voulaient pas de guerre, il le prit violemment à partie et il en résulta même une interruption de séance.
C'est quelques mois après son retour de Blois que Jacques Colas fut, ainsi que nous l'avons dit, installé dans sa charge de visénéchal ; mais ce " parleur véhément, présomptueux et hardi " comme l'appelent les Mémoires du temps, était " plus propre à porter la cuirasse que la robe ", et les événements lui fournirent bientôt l'occasion de le prouver. Les habitants du Bas-Valentinois se plaignant amèrement des pilleries d'un certain Antoine Faure, dit le capitaine La Cloche, qui s'étant rendu maître du château de Roussas, en avait fait un repaire, il réunit à Montélimar, le 1er novembre 1578, les représentants des communautés de son ressort, leur fit comprendre qu'ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour s'affranchir de la tyrannie des gens de guerre, et cela dit, jeta les bases d'une ligue pour la défense des intérêts de tous ; puis, toutes dispositions prises, dans ce but, alla mettre le siège devant Roussas avec 1,200 arquebusiers. C'était le 23 février 1579, et la place fut prise le 28, malgré l'aide que prêtèrent aux assiégés une trentaine de gentilshommes, dont l'intervention donne au mouve{206}ment dont cette prise d'armes fut le point de départ son véritable caractère, qui est celui d'un soulèvement des populations rurales contre la noblesse et les gens de guerre. Roussas pris, le visénéchal de Montélimar mena-t-il ses hommes au siège de Châteaudouble ? (V. La Salle (Antoine de)). On le dit, mais c'est peu probable, attendu qu'il ne pouvait jouer là qu'un rôle secondaire et qu'il avait d'autres vues. Trois mois après, il adressait à toutes les villes de la province des Remonstrances et adviz, pour arriver à la paix, qui ne pouvaient manquer d'appeler l'attention sur lui, mais dont le résultat ne répondit cependant pas à ses espérances ; si bien qu'au bout de quelque temps il s'attacha à Mayenne, qui, étant venu en Dauphiné pour pacifier cette province, le fit capitaine de ses gardes et l'emmena en Guyenne, où notre visénéchal devint aussitôt capitaine de cent hommes d'armes, ce qu'il était lorsqu'il fut fait prisonnier au siège de Castillon (août 1586).
Rendu à la liberté, Colas se retrouva auprès de Mayenne, qui le chargea d'une mission auprès du duc de Parme, gouverneur des Pays-Bas pour l'Espagne, dont il s'agissait d'obtenir le concours ; pourvu l'année suivante, on ne sait dans quelles conditions, de la charge de grand prévôt de France, il était tout à fait une des principales têtes de la Ligue, quand Mayenne l'envoya à la Fère, une des plus fortes places du parti, pour y surveiller le gouverneur Maignelay, qu'il accusait, lui Colas, d'être en pourparlers avec Henri IV. Or, arrivé à la Fère, il eut avec Maignelay, sur la place publique, une altercation, à la suite de laquelle ce dernier fut tué, par des soldats suivant les uns, par notre visénéchal suivant d'autres. En tout cas, Maignelay ayant péri le 17 mai 1591, Colas obtint le gouvernement de la Fère dix-neuf jours après, et, grâce à lui, cette place était devenue le principal boulevard de la Ligue, quand l'abjuration d'Henri IV donna un coup mortel à ce parti. Exaspéré, notre Montilien, au lieu de se rapprocher, comme tant d'autres, de ce prince, offrit à l'Espagne de lui livrer la place de la Fère, et finalement la lui livra aux conditions que voici : En premier lieu, il devait être fait comte de la Fère et de Marle et seigneur de Vendeuil, de Saint-Gobain et de Saint-Lambert, avec 10,000 écus d'or de rente annuelle, en attendant qu'il pût être mis en possession de toutes ces seigneuries ; puis, conserver pour lui et ses descendants le gouvernement de la Fère, avec 100 livres de gages par mois, une garnison de 100 cuirasses choisies par lui et soldées par l'Espagne, et six hommes pour sa garde personnelle ; enfin, on devait lui compter 20,000 écus d'or pour les dépenses par lui faites dans la place. C'est le 4 juin 1594 que fut signé le contrat, dont on exécuta ensuite toutes les clauses. Seulement, dix-sept mois après, Henri IV mettait le siège devant la Fère (8 novembre 1595), et, le 22 mai suivant, la place capitula, ce qui fut un événement considérable, mais sans conséquences fâcheuses pour Jacques Colas dont la vaillante défense fit oublier la trahison ; à tel point que le roi de France ne craignit pas d'apposer alors sa signature à côté de celle d'un homme qui avait vendu trois ans auparavant la Fère aux Espagnols. Retiré à la cour de l'archiduc Albert, Colas y fut comblé d'honneurs, en même temps qu'il y obtint des compensations pour les biens qu'on ne pouvait plus lui donner. Mieux que cela, il y joua encore un rôle militaire d'une certaine importance, car on le voit guerroyer aux côtés de ce prince, jusqu'à ce que, grièvement blessé à la bataille de Nieuport (2 juillet 1600), il fut emmené prisonnier à Ostende, où il mourut au bout de quelques jours. Or, fait assez singulier à ce moment-là, il n'y avait pas encore six ans que notre Montilien avait résigné son office de visénéchal.
Marié, une première fois, en 1576, avec Catherine de Marcel, dame de Barcelonne ; la seconde, avec Antoinette d'Angennes, fille de Jacques seigneur de Rambouillet, et la troisiè{207}me avec Antoinette de Ravenel, qui vivait encore en 1623, Jacques Colas ne laissa qu'une fille appelée Marguerite, qui épousa peu de temps après la mort de son père (11 septembre 1600), dom Onufre, comte d'Escriva, et qui, n'ayant pas eu d'enfants, instituapour héritier son oncle Jean Colas.
BIO-BIBLIOGRAPHIE. - Un ligueur. Le comte de la Fère, par Ed. Colas de la Noue, ancien magistrat. Paris, Orléans et Angers, 1892, in-8º de 244 pp., avec portr. et plan du chasteau de la Fère en Picardie... Le portrait, qui est la reproduction d'une peinture du temps, est en buste de 3/4 à D. ; à gauche, un écusson : d'or, au ehêne de sinople et au sanglier passant de sable, avec des lévriers pour supports, et au-dessus : Jacques Colas, comte de la Fère.
#Biogr. Dauph., i, 261. - De Coston, Hist. de Montélimar, ii, 369-394. - De Thou, ix, 591 ; xi, 560. - Rec. gén. des Estats, 315. - Lacroix, L'Arrond. de Montélimar, vii, 89. - Etc., etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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