CHAUDEBONNE (Clauded'Eurre,)
CHAUDEBONNE (Clauded'Eurre, seigneur de), " le meilleur des amis de Mme de Rambouillet ", comme l'appelle Tallemant des Réaux, qui lui a consacré la moitié d'une de ses Historiettes; avec cela l'ami de Balzac et de Chapelain, et, qui plus est, celui qui " mit Voiture dans le monde, le trouvant trop galant homme pour rester dans la bourgeoisie ", naquit à Allex, vers 1580, de Louis d'Eurre d'Oncieu, seigneur du Puy Saint-Martin, et de Geneviève de Lhère de Glandage, sa seconde femme. Il était donc le frère de d'Aiguebonne (V. ce nom), mais un frère que sa mauvaise santé retint bien après lui au foyer de la famille, car ce n'est pas avant 1618 qu'il s'en éloigna, emmené, croyons-nous, par le futur maréchal Jean-Baptiste d'Ornano, alors gouverneur de Crest et colonel des Corses.
En tout cas, ce dernier étant devenu gouverneur de Monsieur, frère du roi Louis XIII, en 1619, Chaudebonne devint bientôt premier gentilhomme de la chambre de ce prince, et telle fut dès lors l'intimité de ces deux hommes, qu'ils confondirent pendant quelque temps leurs destinées. Ainsi furent-ils disgraciés et emprisonnés tous les deux au château de Caen, au mois de juin 1624, sur les instances du surintendant La Vieuville ; puis, relâchés et rendus à leurs charges, deux mois après, tous les deux encore ; enfin, arrêtés derechef, au mois de mai 1626, comme suspects de complicité avec Chalais, et cette fois-ci mis à Vincennes, où d'Ornano mourut, au bout de quatre mois, de maladie ou de poison. Or, grâce à l'intervention du célèbre P. Joseph, cette mort fut suivie de l'élargissement de Chaudebonne, à qui on ne reprocha jamais autre chose que son dévouement pour ses amis, et qui n'eut rien de plus pressé que de se compromettre alors avec les habitués de l'hôtel de Rambouillet, qui étaient en grande partie des ennemis de Richelieu, si bien que celui-ci, tout en estimant fort " le sieur de Chaudebonne ", qu'il tenait pour " homme de parole et de cœur ", l'exila à Tours (juillet 1627). Là, notre Dauphinois resta jusqu'à ce que Gaston {181}d'Orléans, dont il fut assurément le serviteur le plus dévoué, eut besoin de lui, c'est-à-dire jusqu'à ce que ce prince, brouillé avec le roi et Richelieu, s'enfuit pour la première fois en Lorraine (septembre 1629). Ayant alors accompagné le fugitif, Chaudebonne se trouva, en effet, auprès de lui, lorsqu'il fallut discuter les avantages qui lui étaient offerts par le roi son frère, pour le faire revenir en France, et c'est également par son entremise que Richelieu se réconcilia un moment avec Gaston, après la Journée des Dupes, le rôle de conciliateur lui convenant d'autant mieux qu'il était navré de la conduite du prince, ce qui ne l'empêcha pas de le suivre encore, quand il fut en état de révolte ouverte, parcequ'il espérait toujours que ses sages conseils finiraient par l'emporter dans l'esprit du duc d'Orléans, dont il fut, à part cela, l'homme de confiance et le chargé d'affaires, dans toutes les circonstances difficiles. Ainsi est-ce à lui Chaudebonne, que Gaston confia sa femme, dont il le fit chevalier d'honneur, lorsqu'il s'enfuit de Nancy assiégé, le 3 janvier 1632, après y avoir épousé secrètement la princesse Marguerite de Lorraine, et lui qu'il chargea de toutes les missions délicates, surtout auprès du roi et du cardinal, pendant tout le temps de sa rébellion et mème après qu'il eut vu son parti s'effondrer à la bataille de Castelnaudary (1er septembre 1632). Car c'est encore Chaudebonne qui porta au roi les propositions du prince vaincu et qui discuta ensuite avec les envoyés du roi, dont l'un se trouva être son frère d'Aiguebonne, les conditions de la paix, qui fut enfin signée le 1er octobre, à son grand contentement.
Seulement, combien notre Dauphinois fut-il déçu, quand, cinq semaines après, Gaston, qui prétendait avoir été trompé par les envoyés du roi, s'enfuit une troisième fois à l'étranger, pour y conspirer contre le roi son frère. Ce fut une telle déception pour Claude d'Eurre, qu'il en contracta " le mal des mélancoliques ", pour nous servir des expressions de Chapelain. Mêlé presque malgré lui à des intrigues qu'il désapprouvait, il chercha dans la religion des consolations, tout en entretenant le plus possible un commerce de lettres avec ses amis de Paris, notamment avec la belle Mlle Paulet ; et il en fut ainsi pendant quatre longues années, au bout desquelles s'étant décidé à rentrer en France, tout en restant éloigné de la cour, Chaudebonne se dépensa en démarches de toutes sortes pour amener le traité du 8 février 1637, qui rapprocha définitivement Gaston d'Orléans du roi Louis XIII, et dont on a fait à tort honneur au P. de Condren.
Délivré de tout ce qui avait fait le malheur de sa vie, notre Dauphinois ne s'occupa plus guère que de ses amis : de Conrart, qu'il voulait convertir et qui n'en mourut pas moins dans l'impénitence finale ; de Chapelain, à qui il fit lire le deuxième livre de la Pucelle chez la princesse de Condé et qui l'appelait " frère Claude l'héroïque ", à cause de sa dévotion ; de Gassendi, qui voulait être agent général du clergé, et surtout de Mme de Rambouillet et de tous les siens, qui se faisaient, en revanche, un devoir de l'entourer de soins, grâce auxquels cet honnête et galant homme résista, pendant sept à huit ans, a une fièvre " tierce ou double tierce ", qui finit par l'emporter vers 1645.
Lorsqu'on lit les mémoires et surtout les lettres de ce temps et de ce milieu, on est vraiment surpris de l'influence qu'exerça autour de lui cet homme complètement oublié jusqu'ici.
#Tallemant des Réaux, iii, 207. - Lettres de Richelieu, de Chapelain et de Voiture. - Mém. d'un favori, de Richelieu, de Gaston d'Orléans, de Fontenay-Mareuil, etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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