CHARLES (Louis-Hippolyte)
CHARLES (Louis-Hippolyte)) " personnage presque historique dont le nom figurera toujours à côté d'un grand nom ", suivant la duchesse d'Abrantès, naquit à Romans, le 5 juillet 1773, de François Charles, blanchisseur de toiles, et de Madeleine Machon ; sa famille, qui était originaire de Donzère et dont le nom patronymique était, en réalité, Quintin, s'était établie dans cette ville en 1633, date à laquelle Barthélemy Charles-Quintin fut autorisé à construire des foulons sur la Prêle. Engagé en 1790, dans une compagnie de guides que l'on organisait à Besançon et qui forma plus tard le noyau des guides du général Bonaparte en Italie, il était lieutenant adjoint à l'adjudant général Leclerc en 1796, date à laquelle il fut blessé à la bataille de San-Giorgio (15 septembre) et cité à l'ordre du jour ; et, Leclerc ayant été promu général de brigade et fait major général de l'armée d'Italie, à la suite de son mariage avec Pauline Bonaparte, il devint alors son aide de camp. Cet emploi le mit d'autant plus à même de fréquenter assidûment à Milan le palais Serbelloni, où la femme du général Bonaparte tenait une sorte de cour, qu'il avait accompagné cette dernière de Paris à Milan et qu'elle l'avait remarqué pendant le voyage. Mieux que cela, brillant officier, " petit, fort bien fait, ayant tous les traits bien faits ", il plut assez à la future impératrice Joséphine pour que Bonaparte, jaloux, après avoir menacé de le faire fusiller, le fît arrêter et partir pour Paris. Or, à Paris, Joséphine, qui lui avait, diton, donné des sommes énormes, lui fit avoir un intérêt dans la compagnie Louis Bodin, une des plus importantes pour la fourniture des vivres aux troupes, et, rentrée elle-même en France, revit non seulement Charles après le départ de Bonaparte pour l'Egypte, mais en fit à ce point son familier, que notre Romanais finit par habiter la Malmaison en maître.
Il aurait suffi de moins pour faire jaser ; aussi, jasa-t-on beaucoup et tellement, que le directeur Gohier crut devoir faire des représentations à Joséphine, insistant pour qu'elle rompît une liaison compromettante ou divorçât avec Bonaparte pour épouser Charles ; et, comme elle ne voulut faire ni l'un ni l'autre, c'est Bonaparte qui parla de divorce à son retour d'Egypte, ne renonçant enfin à cette idée, qu'à la condition formelle que Joséphine romprait tout à fait avec Charles, ce qui eut lieu. Mais ce dernier, dont la fortune était déjà considérable, grâce aux bénéfices énormes réalisés dans la fourniture des vivres, ne fut pas moins toujours un personnage en vue, menant un grand train de maison à Paris et à l'Ile-Adam, où il acquit, en 1803, une magnifique résidence. On peut même dire qu'il arriva à être un personnage tellement légendaire, qu'il est à peu près impossible, à présent, de distinguer le vrai du faux, dans tout ce que l'on raconte de lui : par exemple, qu'il prêta, pour la guerre d'Espagne, 25 millions qui ne lui {174}furent pas rendus ; qu'il entreprit ensuite de redresser le lit de l'Isère à Saint-Gervais, mais vit ses travaux emportés par les eaux, ce qui fut encore pour lui une cause de grandes pertes ; puis, qu'il voulut, mais en vain, faire donner son nom à une rue de Paris ; enfin, qu'ayant fait atteler six chevaux à sa voiture, par esprit d'opposition au roi Charles X, et se l'étant vu défendre, il en mit alors quatre par devant et deux par derrière. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'après avoir gagné beaucoup d'argent dans la fourniture des vivres, Charles en perdit ou en dépensa assez, pour que sa fortune se trouvât sérieusement compromise dès 1822, et que s'étant ensuite retiré à Génissieux, près de Romans, il y mourut célibataire, le 9 mars 1837, et fut enterré le surlendemain au Calvaire de Romans.
#Chevalier, Arm. roman., 44. - Arch. de Romans, BB, 28. - Duchesse d'Abrantès, Mém., iii, 159, 167. - Réimp. du Moniteur, xxviii, 444. - Mém. de Barras, iv, 34. - Etc.
Brun-Durand Dictionnaire Biographique de la Drôme 1901
Société de Sauvegarde des Monuments Anciens de la Drôme & Les amis du Vieux Marsanne
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